La vie d’artiste (partie 4/?)

Dernier volet – pour le moment – de la saga « La vie d’artiste« , qui a commencé par l’envie de faire une thread sur Twitter pour parler de ma situation de wannabe professionnelle de l’écriture / chômeuse et partager toutes les réflexions que cette situation fait naître dans mon esprit.


Intro post-intro : de quoi j’avais dit que je parlerai déjà ?

Légende : Quand c’est barré, c’est que j’en ai parlé dans la partie 1, dans la partie 2 ou la partie 3.

  • la complexité du statut en France pour les artistes/autrices et ce que ça engendre aussi bien administrativement que psychologiquement
  • pourquoi je me suis syndiquée alors que je ne suis pas encore éditée par une maison d’édition mais « seulement » en auto-édition et donc pas vraiment professionnelle mais comme j’ai écrit un livre et vendu des exemplaires, si quand même un peu enfin je sais pas, c’est compliqué,
  • pourquoi je suis allée chez Am*zon pour sortir mon premier roman (spoiler : la flemme et le prix),
  • le fait qu’écrire ne soit pas considéré comme un vrai métier quand c’est pas pour de la pub/com ou tant que tu n’as pas été « adoubée » par une maison d’édition,
  • le taf de monstre que font tous les syndicats et notamment le @self_ecrivains, le @CaapAuteurs et la @LigueAuteursPro pour aider les auteurs et non plus seulement « l’industrie du livre »,
  • combien de temps ça prend d’écrire (un livre, une nouvelle, une histoire courte, un article…) et pourquoi les quelques élu·es qui touchent des avances sont majoritairement sous-payés,
  • pourquoi je m’obstine quand même à vouloir faire ce métier alors que je crèverai sûrement inconnue et pauvre,
  • pourquoi le patronage (Patreon, Tipeee…) c’est quand même vachement utile pour les artistes/créateur·ices comme moi qui ne sont pas encore « reconnu·es » ou qui souhaitent être indépendant·es… (je le barre celui-là parce que j’ai fait un article sur Patreon, disponible ici et que j’estime ne pas avoir spécialement grand-chose à ajouter).
  • Et sûrement des autres trucs qui me viendront sur le moment comme le fait d’essayer de créer dans un monde en pleine explosion, les effets de la pandémie sur mon boulot en cours, la peur, la confiance en soi (et son absence).

The Neverending Story

En relisant ma liste de sujets à aborder, je me rends compte que je suis au dernier point, c’est-à-dire le fourre-tout, celui de la fin où l’on range un peu tout le bordel qu’on aurait pas pensé à caser ailleurs. Je me rends compte aussi que j’ai abordé pas mal des points de ce point-là (redondance, mal dit – ça c’est pour faire comme si j’avais un·e éditeur·ice qui relisait mes manuscrits, ça m’entraîne) dans les articles précédents. Mais je pense que je peux encore en dire sur la vie d’artiste. Je peux encore en raconter parce que je la découvre tous les jours et elle est différente tous les jours.

J’ai la particularité de ne pas être encore artiste « à temps-plein », dans la mesure où je suis encore sous la coupe de mon cher Paul Emploi, ce qui me laisse un tout petit peu de répit avant de devoir sauter dans le grand bain, me sortir vraiment les doigts du cul pour trouver du taf artistique régulier histoire de ne pas mourir de faim et/ou un « job » on the side parce que c’est aussi ce que font la majeure partie des artistes-auteurs, ne nous voilons pas la face.

On constate aussi que plus les revenus issus de l’activité artistique sont bas, ce critère fondant l’ancienne distinction entre affiliés et assujettis, plus les artistes-auteurs sont nombreux et plus leur nombre a tendance à augmenter. Toutefois, ce constat est insuffisant, en soi, pour en déduire une tendance à la paupérisation des artistes-auteurs dès lors que ceux qui perçoivent de faibles revenus artistiques peuvent tout à fait avoir d’autres sources de revenus issus de l’exercice d’une autre activité professionnelle, parfois à temps plein. Or, aucune donnée ne permet de distinguer, au sein des anciens assujettis, ceux qui ont d’autres sources de revenus de ceux qui se consacrent entièrement à la création.

Extrait du Rapport Racine, page 12.

Certains exerçant parallèlement une autre activité à temps plein, dans l’enseignement par exemple, une faiblesse de revenus tirés de leur activité artistique n’implique pas une situation de précarité. D’autres, en revanche, consacrent tout leur temps à la création, se sont formés pour devenir artistes-auteurs dans leur discipline et peinent, surtout dans les premières années de création, à vivre de leur rémunération artistique.

Extrait du Rapport Racine, page 15

Du coup, pour encore quelques mois, j’ai cette chance de pouvoir me concentrer uniquement sur l’écriture et/ou la création au sens large lors de mes heures de « bureau », c’est-à-dire quand #MiniPouss est à l’école, en période scolaire.

Mais une fois cette période de chômage terminée, que va-t-il advenir de moi ? Qu’est-ce que je vais faire ? Comment je vais faire ? Le statut d’artiste-auteur, pour le moment, ne donne pas de droits au chômage. Peut-être que je pourrai prétendre au RSA, mais je ne me suis pas encore renseignée parce que j’ose croire dans mon for intérieur que tout va rentrer dans l’ordre, que le Destin, l’Univers, les Dieux, les Muses, qui tu veux, ont un projet pour moi et que je ne me retrouverai pas sans rien. Ma psy dirait que cet optimisme aveugle est une manière de gérer l’angoisse en étant dans le déni.

C’est possible.

En attendant, je continue de vivre ma meilleure vie d’écrivaine fauchée pendant encore un an et des brouettes. Je l’ai attendue longtemps cette opportunité de faire enfin ce que je veux, laissez-moi en profiter un peu.

Actuellement, je suis en train de travailler sur #AFDT, j’écris régulièrement des textes que je publie sur ma page Patreon en essayant de développer mon nombre d’abonné·es, je lis beaucoup aussi et je commence à chercher des moyens de gagner vraiment ma vie avec l’écriture. Je découvre les concours de nouvelles et essaie de planifier au moins une participation dans les mois à venir (pour le fun, pour le challenge, pour me montrer que j’en suis capable, pour l’espoir), je me renseigne sur autant de maison d’édition que possible et j’essaie de voir celles à qui je pourrais envoyer un manuscrit de Gidéon pour une publication, une promotion et une diffusion plus professionnelles, je checke les appels à textes (il y en a pas beaucoup en ce moment et le peu que je vois ne sont pas dans mon genre/ne me parlent pas)…bref, je tâtonne, je continue d’explorer mon nouveau secteur d’activité et je tente de garder l’espoir que j’y ai ma place et que je vais finir par atteindre mes objectifs.

Ça n’est pas facile tous les jours, c’est difficile de garder la motivation, de se dire qu’il faut avancer coûte que coûte, qu’il faut écrire, écrire, écrire et que ça finira par tomber entre les bonnes mains. Heureusement que je suis d’un naturel optimiste.

La maison qui rend fou

In other news, tu te souviens, dans la première partie de cette saga, je te parlais de la création de mon activité d’AA, de ma déclaration auprès de l’URSSAF, des Impôts et du fait que j’attendais mon code d’activation pour créer mon espace AA en ligne ?

Le courrier est enfin arrivé ! Et avec lui, l’impression d’être face à la folie la plus pure et la plus insensée.

Comme beaucoup d’AA, j’ai essayé de suivre la procédure pour créer mon compte en ligne, mais je tombe invariablement dans une boucle infernale.

Créer mon espace > Je suis Artiste Auteur > Identifiant + mot de passe > Valider > Pop up "Vous avez déjà un espace TI (travailleur indépendant) et vous allez devoir devoir utiliser les mêmes identifiants" > Valider > Re-identifiant et mot de passe > Erreur "l'abonné n'existe pas" OU "erreur dans le format du mot de passe" > Retour > Créer mon espace > Je suis Artiste Auteur > Identifiant + Mot de passe > Valider...  

ad aeternam, ad nauseam

C’est exactement comme être dans la maison qui rend fou des Douze Travaux d’Asterix et de devoir trouver le laisser-passer A38. Ça n’a aucun sens, aucun effet, je passe par tous les étages de la maison, mais je suis toujours sans mon putain de laisser-passer !

Rends l’argent (que tu n’as pas encore eu)

Cadeau bonus, j’ai également reçu un appel de cotisations et contributions sociales provisionnelles de 517€ à payer pour octobre 2020 parce que j’aurais déclaré ou plutôt, l’URSSAF a décidé de baser arbitrairement son calcul sur la somme de 3195€ (de revenus AA pour l’année en cours, je présume, mais ça reste flou). Evidemment, je n’ai rien déclaré, je n’ai rien gagné, je viens à peine de débuter mon activité. Je veux bien comprendre le concept de « provision », c’est comme quand on était propriétaires de notre maison et qu’on devait payer le syndic de copropriété tous les trimestres au cas où. Là, je me demande quand même d’où sort la base de calcul, et je suis déjà en train de serrer les fesses à l’idée de devoir débourser 517€ dans moins de deux mois – somme que je n’aurai pas, soyons francs, je n’ai aucun argent de côté. Financièrement, je suis ce qu’on appelle dans le jargon, à la dèche.

Pour ces deux phénomènes inexpliqués dignes des meilleurs épisodes d’X Files, je vais devoir passer un nouveau cap dans la professionnalisation de mon activité artistique : passer des heures au téléphone avec l’URSSAF pour démêler les nœuds de merde qu’ils ont eux-même créé.

Oh putain, ça y est, je me sens autrice professionnelle !


Photo de Jessica Lewis provenant de Pexels.

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