Passer l’aspirateur sur la plage : réflexions en vrac sur les Internets

Cet article n’en est pas vraiment un mais sert plutôt de récap’ sur divers trucs que j’ai lu et entendu dernièrement et qui traitent des Internets. Peut-être que je vais partir en réflexion pseudo-philosophique, je sais pas encore où je vais à l’heure où je commence le bazar. Bonne chance à toi qui me liras !

Tu le sais si tu me lis depuis quelques temps – et si tu ne le savais pas maintenant tu le sauras – les Internets et moi c’est une grande histoire d’amour mêlée de haine. J’aime Internet autant que je le déteste, je le trouve à la fois formidable et détestable, il recèle du meilleur comme du pire et sans lui, ma vie, notre vie, notre monde, ne serait pas ce qu’ils sont aujourd’hui et je ne sais pas si c’est une bonne chose ou pas.

Cet amour-haine-passion-intérêt pour Internet me pousse forcément à lire énormément de choses sur le sujet, des newsletters et des livres qui analysent comment fonctionne le web aujourd’hui, ce qu’il nous apporte et nous enlève, qui traitent de son histoire, de ses grands échecs, de ses évolutions et ses perspectives… Et comme je suis Dame du CDI en ce moment, il est dans mes prérogatives d’éduquer à l’information et aux médias les jeunes âmes égarées (lol), je suis donc OBLIGÉE de faire de la veille sur le sujet, donc bon, not my fault en fait. Je suis juste pro.

C’est à peu près dans cet optique mais aussi parce que j’ai eu l’occasion de faire un atelier d’écriture avec elle et que c’est un peu ma cop’s (ouais j’ai décidé, elle ne le sais pas encore, mais ça viendra), que j’ai lu la pièce d’Azilys Tanneau, Sans Modération(s). Sa pièce est tellement chouette qu’elle a été lauréate de l’Aide nationale à la création de textes dramatiques d’ARTCENA en 2021 et que son texte a été publié chez Lansman Editeur. J’avais suivi d’un œil ces récompenses mais je n’avais pas eu l’occasion de lire son texte jusqu’à ce que des amis me prêtent leur exemplaire du livre et que j’aie enfin l’occasion de plonger dedans. Le sujet me titillait déjà puisque c’est l’histoire d’une team de modérateur·ices d’un réseau social, métier trop souvent inconnu voire, dont on ignore l’existence même quand on croit que ce sont des bots qui s’occupent de la modération des réseaux sociaux. Mais depuis la diffusion d’un documentaire saisissant sur Arte en 2018, intitulé Les Nettoyeurs du Web, j’avais pris conscience de la difficulté de cette tâche et de l’ingratitude des réseaux sociaux envers ces travailleur­·ses qu’ils paient une misère et traitent comme des sous-merdes pour nettoyer le web des pires contenus qu’il peut héberger. Un boulot dantesque, interminable, qui reviendrait à essayer de passer l’aspirateur sur une plage.

Dans Sans Modération(s), on suit donc une team de modos, chacun·e livrant son témoignage à une journaliste sur un événement inconnu au début de la pièce mais visiblement grave, survenu quelques temps auparavant et perpétré par l’une des membres de l’équipe, Alexa. Entre réunions briefing par un manager insupportable accroché à ses chiffres et ses performance reviews, aperçus de leur vie personnelle difficile à mener quand on a signé une NDA et qu’on ne peut pas parler de son boulot à qui que ce soit, ni ses ami·es, ni ses amant·es, et brèves d’open space pour essayer de ne pas devenir totalement dingues, on découvre petit à petit cet équilibre précaire entre boulot et vie privée, entre notions de bien et de mal fluctuantes dans le « monde réel » et dans la Bible de l’entreprise, qui semble avoir eu raison de la santé mentale d’Alexa. Pour représenter les vidéos que l’équipe doit modérer, l’autrice fait intervenir directement les créateur·ices de contenus sur scène, aux côtés de celles et ceux qui sont sensés détecter l’image ou le propos de trop : une streameuse qui se sent perdue face aux torrent d’insultes et de menaces qu’elle reçoit chaque jour, un homme qui fait son sac et dont on comprend le sombre dessein rapidement et un enfant qui subit des atrocités diffusées en ligne, écho terrifiant à ce que Le Monde révélait cette semaine dans un dossier (TW : pédocriminalité, viol).

J’ai dévoré la pièce en quelques instants tant j’ai été absorbée par son propos, ses réflexions et son histoire et mon verdict est sans appel, je veux voir cette pièce jouée. La mise en scène doit ajouter une dimension encore plus forte à un texte déjà puissant et je souhaite de tout mon cœur voir ça un jour !

Si j’avais su, j’en aurais certainement parlé dans ma dernière chronique féministo-sorcière consacrée à la Journée Internationale des Droits des Femmes et aux femmes et minorités de genre dans le monde digital (auto-promo !).

Sérendipité comme toujours

Comme souvent, quand je bloque sur un sujet, je trouve plein de choses qui le concernent pour nourrir mon obsession. Ici, il s’agit d’une émission de radio que j’aime bien, qui s’appelle Zoom Zoom Zen et qui est diffusée chaque jour sur France Inter. Chaque jour, l’équipe explore un terme « tendance » et tente de le décrypter avec beaucoup d’humour mais aussi des intervenant·es sérieux·ses et compétent·es pour les expliquer au commun des mortels.

Alors que j’avais terminé de lire la pièce d’Azilys Tanneau et que je me penchai à nouveau sur le sujet des internets et de l’information pour les élèves qui croisent ma route, je suis tombée sur cette émission consacrée au « Doomscrolling », c’est-à-dire, cette tendance que nous avons à passer trop de temps à scroller nos écrans de smartphone et à sombrer dans un vortex infini de (mauvaises) nouvelles qui nous ne rendent jamais vraiment heureux·ses mais dont on ne peut pas se détacher.

Déjà, le premier truc qui m’a frappé, c’est quand les différents animateur·ices de l’équipe ont parlé de leur temps d’écran et qu’ils tournaient toustes aux alentours de 4h/semaine. Je me suis sentie comme une grosse merde avec mes 6-7h/semaine – qui me faisaient me dire que c’était pas si pire. En fait, si, c’est si pire, meuf ! Et encore, j’ai très largement réduit mon temps de scrolling ! J’ai pas d’excuses, j’en cherche depuis tout à l’heure en mode « ouais mais c’est à cause de mes petits jeux à la con de mémère » ou « ouais mais j’ai quand même arrêté Facebook et Twitter majoritairement » ou encore « c’est parce que j’écoute de la musique »… La vérité, c’est que j’ai pas d’excuses, je doomscrolle beaucoup, je suis capable de dégainer mon téléphone pour rien, juste histoire de me plonger dans quelque chose d’autre que ma réalité et franchement, on a trouvé mieux comme méthode pour échapper à ses problèmes. Remplacer la drogue/l’acool/le tabac/la bouffe par une drogue numérique, c’est pas une bonne solution, Leeloo. La bonne nouvelle c’est que comme je travaille de nouveau dans un CDI, j’ai complètement le droit de lire des livres sur mon lieu de travail, je vais déjà économiser des heures de doomscrolling et nourrir mon cerveau d’autre chose que d’information que je n’ai pas envie de connaître et dont je n’ai pas du tout besoin.

Le FOMO (Fear Of Missing Out = peur de louper quelque chose) est d’ailleurs, pour l’invité du jour, Dan Geiselhart, une des raisons premières qui font que les internautes doomscrollent. On a peur de passer à côté de quelque chose, de ne pas être à jour sur la dernière info, la dernière tendance, le dernier mème, la dernière vanne, le dernier shitstorm sur Twitter, le dernier stream, la dernière série, le dernier message dans notre groupe de macramé ou que sais-je encore, et c’est ça qui nous pousse à toujours plus scroller, faire défiler les infos, les photos, les posts sur les réseaux sociaux. Sauf que, comme pour la modération en ligne, c’est peine perdue ou presque, comme essayer de passer l’aspirateur sur la plage, il y aura toujours toujours toujours un nouveau grain de sable dans nos timelines. Et c’est en doomscrollant qu’on essaie de vider la plage de tous ses grains et qu’on se retrouve à 2 heures du matin, la tête dans le cul, sur son canapé, devant son téléphone, à cliquer, scroller, liker, et croire que l’on va être capable de « terminer » Insta, Twitter ou TikTok, comme un jeu vidéo où on serait enfin arrivé au boss final. Avec internet, quoi qu’on en pense, il n’y a pas de boss final parce que nous sommes les propres développeurs·ses du jeu et que nous y rajoutons chaque jour des niveaux.

L’émission était bien plus optimiste que moi tout en étant réaliste et je te conseille également d’aller l’écouter. Elle se termine en plus sur une chronique de Benjamin Tranié des plus fameuse. Pardon d’ajouter un grain de sable dans ton doomscrolling !

J’ai pas vraiment de conclusion à cet article, je l’avais dit en intro, je savais pas où j’allais et je voulais surtout partager ces lectures/écoutes des derniers jours avec toi. Fais-en ce que tu veux, ce que tu peux, si ça te permet de t’interroger un peu sur tes pratiques, ma foi, tant mieux ! Et si tu as envie d’en dire quelque chose en commentaires, c’est en dessous que ça se passe !

 

 

Photo de Anete Lusina sur Pexels

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