thak you by rob draper

Beyond Tellerrand 2021 ou pourquoi il est quand même bon de rencontrer ses idoles

Disclaimer : Oui, ce post est long. Attrape une chaise, une bonne boisson chaude et prends le temps de le lire.

On dit souvent qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles et c’est surtout parce que tu finis toujours par ressembler à un·e abruti·e sur les photos que tu prends avec elles.

Regarde-moi cette tête de teubée qui ne sait pas quoi faire de ses mains…! (Photo : Emily Marghella)

Mais au moins, tu as une photo en souvenir de ce moment et t’es quand même bien content·e d’y avoir pensé cette fois-ci.

On dit souvent qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles, mais parfois, il s’avère que ce sont des personnes formidables et avoir eu l’opportunité de leur parler est une bénédiction de plus dans une journée déjà fortement chouette. C’est ce qui s’est passé quand j’ai enfin eu le courage d’aller parler à Rob Draper, une de mes inspirations dans la vie, l’art et tout le reste, en gros, le mec qui m’a donné la force de réaliser que je pouvais devenir écrivaine et qu’en fait je n’avais besoin de l’autorisation de personne pour le devenir.

Je vais essayer de te raconter l’histoire de ce moment, qui n’a pas duré plus de cinq minutes je pense, mais j’ai peur que mes mots ne traduisent pas encore assez bien la joie et la gratitude que j’ai éprouvé sur le moment et que j’éprouve encore maintenant. Alors même que j’essaie d’écrire, là, je ne suis pas certaine de réussir à te raconter l’histoire comme je le voudrais vraiment, mais bon, il faut bien commencer quelque part, n’est-ce pas ?

Une version anglaise de ce texte est disponible ICI. J’avais d’abord écrit mon histoire en anglais parce qu’après trois jours en mode « WTF Language » 1, j’avais du mal à organiser ma pensée dans une autre langue et puis comme ça, mon texte pourrait toucher plus de monde, notamment, Rob Draper, qui, je l’espère, me lira un jour.

Alors, ok, on y va, c’est parti.

Düsseldorf, novembre 2021, conférence Beyond Tellerrand.

C’est la deuxième fois que je viens à cet évent. La première fois, c’était en 2019 quand je bossais encore dans l’IT en tant que cheffe de projets communication et marketing. A l’époque, on m’avait confié toute tâche qui entrait dans le spectre « com », information ou développement de compétences. Du coup, je m’occupais aussi de trouver des événements où nos dévelppeur·euses pourraient agrandir leurs horizons, développer leur créativité ou apprendre de nouvelles techniques à implémenter chez nos clients.

Mon amie Emily, qui enseignait le développement web en Belgique à l’époque, me parlait depuis des mois de cette conférence. Elle avait l’air complètement bouleversée, émerveillée, inspirée et transformée par ce qu’elle y avait entendu et j’avais envie de comprendre pourquoi. Donc, à mon tour, j’ai saoulé mes boss jusqu’à ce qu’ils me payent la place pour cette conférence et j’ai même emmené deux collègues dans mes bagages ! Une fois là-bas, on a été retournés par les talks de nombreux intervenants mais un en particulier m’a profondément marqué, celui de Rob Draper.

J’étais totalement dans la cible pour le talk de Rob. J’adore le street art et le graffiti (le mec est un spécialiste du hand-lettering et un designer bourré de talent), je ne peux pas résister à une bonne success-story (le succès étant, pour moi, la possibilité de faire ce qu’on aime et de vivre sa meilleure vie), j’étais accro aux discours motivants (je le suis toujours un peu encore, mais je pense que je choisis mieux les personnes que j’écoute), les témoignages de gens partis de rien pour arriver au top qui pourraient me prouver que moi aussi je pouvais y arriver. J’étais une artiste « dans le placard » à l’époque, je me cachais alors que je mourrais d’envie de dire à la terre entière que j’étais en train d’écrire un livre depuis deux ans mais j’étais paralysée par la peur : du jugement, de l’échec, de la comparaison, d’être rejetée, qu’on se foute de ma gueule, que les gens se rendent compte que j’étais une imposture et que je n’avais aucun talent… la liste est non-exhaustive, évidemment. Tu connais la chanson de l’autodénigrement et du manque de confiance en soi…Je me nourrissais d’histoire de gens qui pourraient me montrer comment faire mais j’étais trop apeurée pour changer quoique ce soit à ma situation. Paralysie induite par la peur. Saloperie d’auto-sabotage.

La description du talk de Rob dans le livret de la conférence disait :

Rob est un artiste et un designer basé à Londres, spécialisé dans le hand-lettering et la créativité. Rob a travaillé avec de nombreux clients dans le monde entier, tels que les Golden Globes, Levi’s, Gap, Nike, Samsung, Penguin Random House, Bartle Bogle & Hegarty, Pentagram, Harper & Collins, WWF & le Wahsington Post. Son travail a été mis en avant dans la presse du monde entier, notamment dans le International Designers Network, Design Taxi et de nombreuses publications sur le lettering, le design et la créativité ainsi que dans le Daily Mail. Il voyage aujourd’hui dans le monde entier pour raconter son parcours et comment une série d’événements inattendus l’ont menés où il est aujourd’hui.

J’étais intriguée et j’avais hâte de l’écouter et de savoir ce qui lui était arrivé et comment il s’en était sorti. J’étais à un moment particulier de ma vie, j’étais perdue, confuse, je me sentais prisonnière de ma carrière, en colère contre moi-même car je pensais ne pas avoir assez de talent ni en faire assez, et je ne voyais pas d’issue. Je ne le savais pas à l’époque mais j’étais déjà en plein dans une spirale de dépression.

J’étais donc toute ouïe lorsque Rob arriva sur scène.

Rob Draper commença par nous expliquer qu’il se trouvait à la rencontre entre l’art, le design et la créativité. Il nous montra quelques vidéos de ses travaux, nous expliquant comment les réseaux sociaux l’avaient aidé à percer. Ensuite, il nous raconta son histoire, comment il avait toujours aimé le hand-lettering, comment il avait toujours voulu faire quelque chose en lien avec sa passion avec le graffiti et l’art, ses réussites mais surtout, ses échecs. Comment il a essayé, échoué, essayé et échoué encore. Comment il a continué coûte que coûte, même quand il était presque à la rue, même quand il squattait le canapé de sa sœur car il n’avait nulle part où aller… et comment alors qu’il était dans une merde noire, il continuait chaque matin à se rendre au café du coin pour squatter le wifi et dessiner sur des tasses en carton avec un stylo bille parce qu’il ne voulait faire que ça. Parce qu’il ne pouvait faire que ça. Parce qu’il ne voulait rien faire d’autre que poursuivre son rêve. Alors il a fait ce qu’il avait à faire, il a continué et jamais lâché. Sa persévérance et son dévouement à son art ont fini par payer. Il était un artiste prospère (il l’est toujours) et voyageait dans le monde entier pour dire aux gens ce qu’il fallait pour réussir : travailler dur, suivre ses rêves sans relâche et du wifi 2.

Quand son intervention a été terminée, j’étais en larmes. Non seulement j’étais émue par son histoire mais aussi, ce qu’il avait raconté résonnait profondément en moi et avait même allumé une petite étincelle dans mon cœur. Une toute petite flamme de courage était apparue et elle m’avait poussé à avouer à mes collègues, ce jour-là, que j’écrivais un livre. J’avais fait mon coming-out littéraire, en quelque sorte. Et rien qu’en faisant ça, déjà, j’avais ressenti un immense soulagement et une grande fierté, c’était un pas énorme pour moi. Comme si un voile avait été levé.

Je voulais être écrivaine, un point c’est tout. Mais je ne pouvais l’entendre à l’époque, je n’étais pas prête à l’accepter, mais maintenant je sais que c’était de ça dont il était question au fond. J’étais à la mauvaise place, dans le mauvais job, je cachais mon vrai moi pour je ne sais quelle raison à laquelle j’étais parvenue à me faire croire années après années. Que je devais être cette femme, que je devais exercer ce job-là, que je devais suivre cette voie-là et pas une autre, qu’être écrivaine c’était pas pour moi, que l’écriture devait rester un hobby parce que je n’étais pas assez talentueuse, que je n’y arriverai pas même si j’essayais…

Mais après le discours de Rob, quelque chose avait changé.

Le reste appartient à l’histoire (presque) : quelques semaines plus tard, je pétais les plombs et je me retrouvai en arrêt maladie pendant des mois. Je finis par quitter mon job, puis je terminai l’écriture de mon premier livre et en écrivis un second. Et puis j’ai auto-édité les deux parce que pourquoi pas, je sus écrivaine, je fais ce que je veux et c’est ça que je veux ! Ça n’a pas été facile, ni rapide, et ça n’est même pas encore terminé d’ailleurs, mais l’étincelle a fait son travail et a allumé une lueur permanente d’espoir, de persévérance et de courage qui me pousse à être moi-même jour après jour.

Ce qui nous amène à Düsseldorf en 2021 (oui, j’avais dit que c’était long, non?)

Aller droit au but

C’est donc la deuxième fois que je participe à Beyond Tellerrand. J’y retrouve mon amie de toujours, Emily, que je n’ai pas pu serrer dans mes bras DEPUIS SEPT ANS BORDEL (oui, je crie). Je suis à l’étranger pour la première fois depuis que tu-sais-quoi a foutu le bordel dans le monde et nous nous apprêtons à assister à un événement que nous aimons profondément, organisé par un être humain formidable, Marc Thiele, où nous allons entendre des gens inspirants partager leurs histoires et leurs travaux avec nous.

Dire que nous étions surexcitées est un euphémisme.

Quand Marc est entré sur scène le lundi matin, il a été totalement soufflé par le tonnerre d’applaudissement de la foule ce qui lui a tiré quelques larmes. J’étais, moi aussi, fortement émue à ce moment-là et je pense que je ne suis pas la seule ! Photo par Florian Ziegler.

Mais, il y a autre chose. Cette année, Rob Draper sera là pour réaliser des hand-letterings personnalisés dans ce qu’il appelle « Your words my hand ». Le concept est simple : tu lui donnes une phrase, et il la peint sur un poster A2 en papier noir avec de la peinture dorée ou argentée. Tout l’argent versé pour l’achat d’un poster est reversé à deux associations : Makuyuni Cologne qui aide les enfants en Tanzanie à accéder à l’école et obtenir une éducation et Skate Aid, qui construit des skate parcs dans le monde entier pour sortir les gamin·es de la rue. En plus d’être une chance de soutenir deux associations géniales, je peux obtenir une œuvre réalisée par un artiste que j’adore ? Je ne peux pas rater ça !

Vidéo avec l’aimable autorisation de Rob Draper et l’aide de Marc Thiele

Après tous les talks, le premier jour je crois, et durant le pot de l’amitié à la fin de la journée, je discutai avec Emily et ses amis du fait que je voulais m’acheter un artwork mais que je ne savais pas quoi demander à Rob d’écrire. Je n’arrivais pas à trouver LA phrase. Celle qui pourrait résumer l’importance de ce moment, de cette conférence, de cet artiste. Et puis, Daniel, le petit ami d’Emily a eu l’idée de génie. Il m’a dit :

« Mais pourquoi tu lui demandes pas d’écrire le titre de ton livre ? »

C’était ça ! C’était la meilleure idée du monde parce que ce livre, Au fond du trou, je l’ai écrit après ma dépression, cette même dépression qui est arrivée après ma première participation à la conférence parce que je ne vivais pas la vie que je voulais véritablement mener au fond de moi. Ce livre, je l’ai écrit pour partager l’histoire de ma dépression mais aussi comment l’écriture m’a aidé à m’en sortir. Comment j’avais fini par comprendre ce que je voulais faire et comment j’ai décidé de poursuivre ce rêve quoi qu’il m’en coûte. Parce que je n’avais jamais oublié les mots de Rob Draper.

Le livre existe parce que Rob a parlé ce jour-là. C’était les mots parfaits à faire écrire par cet artiste-là. Un cercle parfait. Une boucle bouclée.

J’avais un peu peur de ne pas avoir assez d’argent pour me l’offrir mais après une discussion avec Andreas de l’association Makuyuni (Andreas, cœur avec les mains) j’ai compris que je pouvais donner le montant que je voulais, même le plus bas, ce qui est incroyablement généreux de la part de l’association. J’ai donc pu payer ce que je pouvais et j’ai promis à Andreas que j’aiderai son association autrement qu’avec de l’argent (et je le ferai).

J’étais très émue quand j’ai passé la « commande » pour mon poster. Andreas et Rob m’ont demandé pourquoi tant d’émotion et ce que voulait dire ma phrase et je leur ai répondu un truc du style « je t’expliquerai quand t’auras du temps, c’est une longue histoire » parce que je ne voulais pas les déranger. Et, quelques heures après, quand je suis allée demander à Rob s’il avait eu le temps de terminer mon poster, il a directement demandé à ce que je lui explique. Ainsi, les cinq-dix minutes suivantes, il a littéralement tout arrêté pour m’écouter lui raconter mon histoire, mes livres et mes projets.

Il a été adorable et m’a dit des tas de choses hyper encourageantes. J’étais submergée par l’émotion alors j’ai eu du mal à trouver mes mots mais je suis parvenue à lui dire que ce qu’il avait raconté deux ans auparavant avait eu un impact profond sur moi et que mon livre était une sorte de témoignage de cet impact. Il m’a encouragée à continuer, à ne rien lâcher, d’arrêter de me comparer aux autres parce que de toute façon tout le monde commence en bas de l’échelle, me disant qu’en cas de doute, je devais me souvenir que lui aussi il a fait de la merde à un moment mais que ça faisait partie du processus, qu’li était lui aussi très content de rencontrer quelqu’un sur qui son discours avait vraiment eu un impact… Je ne me souviens pas des mots exacts mais je garderai un sentiment de joie, de bonheur et de gratitude pour cette conversation, c’est certain. Ce dont je me souviens, en revanche, c’est que pendant l’espace d’un instant, il n’y a eu que cet artiste et moi, parlant d’art, de création, de processus, de foi, de persévérance, le reste de la pièce bourdonnant autour de nous et nous, partageant simplement un moment intense et un câlin parce que merde, les câlins, c’est mon langage de l’amour !

Tu me crois si je te dis que je suis encore émue de ouf en repensant à ce moment ? Tu me crois si je te dis que je suis littéralement en train de pleurer en écrivant ces mots ?

Je ne veux pas avoir l’air d’une fan girl zinzin qui a rencontré son idole et qui ne s’en remet pas. Ça n’est pas du tout ce qui s’est passé. J’ai juste eu la chance de pouvoir dire à quelqu’un à quel point ce qu’il avait fait et ce qu’il avait dit m’avait aidé et de le remercier pour cela. Peut-être que je ne connais pas le « vrai » Rob Draper, peut-être qu’il est comme ça aussi dans la vraie vie, peu importe. Ce que je sais c’est Rob Draper, l’artiste qui était à Beyond Tellerrand en 2019 et 2021 a été suffisamment généreux et gentil pour m’accorder quelques minutes de son temps et me transmettre un peu de sagesse. Et que ça été l’un des meilleurs moments de cette conférence pour moi.

On dit souvent qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles et c’est définitivement parce que t’as l’air d’un con sur la photo souvenir, mais maintenant, j’ai plus qu’une photo-souvenir, j’ai un putain de poster A2 avec le titre de mon livre en lettres dorées fait par un artiste que j’adore.

On dit souvent qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles, mais j’ai eu la chance de rencontrer l’une des miennes et je peux te dire un truc : si tu as l’occasion de le faire, vas-y ! Tu ne sais jamais, ça se trouve, tu vivras un moment de partage sincère qui va nourrir ton cœur pendant un long moment 4. Dis à ton héro·ïne ce que son art a fait pour toi. Ce que son travail représente pour toi. Et n’aies pas peur que ton histoire soit ridicule ou n’ait pas d’importance. Chaque petit retour positif qu’un·e artiste peut recevoir est important. Ça te fera du bien à toi, et ça lui fera du bien à lui·elle aussi. Je te le promets.

Merci encore Rob. Merci aussi à Marc Thiele et Beyond Tellerrand d’avoir permis que ce moment existe.

J’espère vraiment vous revoir tous les deux un jour.

Atrwork de Rob Draper, mes mots par sa main.

Des liens que j’aimerais que tu consultes :


Notes :

1 : Dans le mix il y avait du français, de l’anglais, de l’allemand, et n’importe quelle autre langue qui nous venait à l’esprit quand on parlait, donc un peu d’italien, de néerlandais et de grec. WTF Language à fond !

2 : Le titre de son talk était « Hard work, relentless dreams and wifi ».

3 : Il y a même un passage du livre consacré à la conférence et au talk de Rob.

4 : Et si au final, c’est un·e con·nasse, dis-toi que c’est toi le héro·Ïne de l’histoire, parce que tu n’as pas laissé le fait que tu aies grandi en admirant un·e abruti·e être ta « vilain origin story ».

Edit :

20/11/21 : ajout de la photo de Marc + lien vers l’article sur le site de Beyond Tellerrand.

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