Compulsion #22

Proud Danny

Un livre

The Lost Coast d’Amy Rose Capetta.

Le Hasard /l’Univers (aka les coïncidences qui n’en sont pas ?) a fait que je termine de lire ce roman alors que débutait le Mois des Fiertés. Sorte de The Craft littéraire queer, The Lost Coast va cependant bien au-delà d’une simple version rainbow-washed du trope “groupe d’adolescentes qui s’adonnent à la magie”. Même si le point de départ est à peu près le même, les aventures des six filles que l’on suit dans ce livre a quelque chose en plus : la poésie de la prose de l’autrice qui donne au récit quelque chose d’irréel, d’onirique et une beauté spectaculaire, comme celle les séquoias qui peuplent le roman et l’abritent du début à la fin.

L’histoire se passe dans la ville fictionnelle de Tempest au nord de la Californie, cette partie de l’état où les forêts de séquoias, l’océan et le brouillard attirent les randonneur·euses, les amoureux·ses de la nature et, Danny et sa mère. Danny est étrange, elle aime embrasser des filles. Dans le Michigan où elle grandit, ça commence à peser lourd et sa mère lui propose alors de changer d’air, de partir où elle veut. Danny choisit Tempest, Californie, sans vraiment savoir pourquoi à part que ce lieu l’appelle.

Une fois là-bas, elle rencontre les Grays, un groupe de cinq sorcières queers. Imogen, l’une d’entre elle, a disparu et les quatre autres, June, Leila, Hawthorn et Rush ont lancé un sort pour obtenir de l’aide et retrouver leur amie. C’est ainsi que Danny est arrivée à Tempest, elle a été appelée par les Grays pour ramener Imogen. Mais avant cela, Danny retrouve le corps d’un adolescent, une branche de sequoia plantée dans le cœur. Quelque chose de sombre sévit au cœur de cette forêt, quelque chose qui tue et que les filles vont devoir identifier et arrêter avec leur magie pour retrouver leur amie.

Le roman se déroule en une succession de points de vue des différents personnages et de bons dans le temps, pour raconter l’histoire de Danny et de ses copines sorcières qui vivent dans leur bulle de magie et de queerness. Magie et identité queer se regardent en miroir pendant tout le roman et forment pour les six filles du coven des Grays une couverture de survie dans une société (ou le lycée de Tempest comme microcosme du monde extérieur) qui ne les comprend pas et préfère leur inventer des vies plutôt que d’apprendre à les connaître vraiment. Elles sont bizarres, elles courent dans la forêt, chantent aux arbres, sont toujours ensemble, s’embrassent les unes les autres… they are the weirdos mister, mais elles s’en foutent. Elles s’aiment, elles vivent, elles font leur magie et tout cela parvient à reléguer le reste suffisamment à la frontière de leur considération et de leur cœur pour ne pas (trop) les blesser.

The Grays are always touching and kissing each other because so many before us couldn’t. Each kiss carries the weight of so many kisses that never were.

Every touch is an invisible battle won.

Danny, Partie 5 “Midnight”, The Lost Coast.

Quand Danny trouve ce cocon d’amitié, d’amour et de magie, sa vie prend enfin sens, elle se comprend mieux, se regarde avec plus de tolérance parce qu’elle voit que d’autres sont comme elle, qu’elle n’est pas seule et qu’elle n’est pas anormale.

À la fois attirée et apeurée par les Grays, Danny va traverser des épreuves pour aider ses nouvelles amies à retrouver Imogen. Elle va traverser le brouillard de la forêt de séquoia à la découverte de sa propre magie (elle est une sourcière, elle trouve les choses et les gens), participer à des rituels pour tenter de repousser le mal qui les suit, apprendre à connaître chacune d’entre elles et comprendre qui elles sont au-delà de l’image qu’elles renvoient, enfreindre quelques règles au passage tout en essayant de garder la confiance de sa mère… Danny tâtonne, découvre, explore la vie, la magie, son identité et sa sexualité durant tout le livre jusqu’à devenir elle-même une Gray.

Outre le fantastique et le côté “coming-of-age” du roman, j’ai aussi énormément aimé le fait qu’il se passe dans le nord de la Californie. J’ai toujours été fascinée par l’Amérique et la Californie occupe une place spéciale dans mon cœur. Depuis quelques années, je suis une artiste sur Instagram, Star Bish, qui vit dans cette région moins glamour et moins “connue” de la Californie (c’est d’ailleurs elle qui m’a donné envie de lire The Lost Coast en en parlant dans une story) et qui partage régulièrement des photos et des vidéos de ses randonnées matinales sur la côte Pacifique. Pendant toute la période de confinement, ses vidéos ont été un bol d’air pur : les corbeaux, l’océan, les chemins, les arbres, le bruit du vent, je suis, grâce à elle, tombée amoureuse de cette région que je rêve de découvrir un jour. En lisant le roman de Amy Rose Capetta, j’ai immédiatement été transportée dans ce lieu, mon cerveau projetant les images des vidéos de Star Bish en guise de décor aux aventures des Grays. L’autrice décrit la forêt avec beaucoup de poésie et d’amour et fait parfaitement ressortir le côté mystérieux, mystique et magique de ces arbres millénaires et majestueux.

Personnage à part entière dans le livre, la forêt est à la fois protectrice et mortelle, un entre-deux, un passage vers un autre monde, une véritable entité de conte ou de roman fantastique.

Quand j’étais adolescente, j’avais adoré lire le roman fanstastique/horrifique de Billy Martin (auparavant connu sous le nom de Poppy Z. Brite) Âmes Perdues, une histoire de vampires, de musique rock/gothique et de (bi)sexualité qui m’a considérablement aidé à comprendre la mienne. The Lost Coast possède, à mon avis, le même genre de pouvoir que le roman de Martin, celui d’ouvrir les yeux et le cœur de celleux qui le lisent. J’aurais adoré lire un roman comme celui de Capetta à 15-16 ans et je suis heureuse que des (jeunes) gens d’aujourd’hui puissent le lire et s’y (re)connaître.

 

 

 


1.
“Les Grays sont toujours en train de se toucher et de s’embrasser parce que tant avant nous ne le pouvaient pas. Chaque baiser porte le poids de tant de baisers qui n’ont jamais été.

Chaque caresse est une bataille invisible remportée.”

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