Compulsion #23

Don’t leave me this way

Une réflexion sans véritable conclusion

Je ne sais plus quand, je suis tombée sur un tweet/post Instagram (?) qui disait, en substance, que quand on était lecteur·ice, du genre avide, on ne faisait pas que lire des livres qui nous plaisaient, voire même, que la majorité de ce qu’on lisait ne nous plaisait pas vraiment mais qu’on allait quand même au bout parce que… parce que.

Après le doom scrolling, le doom reading.

C’est typiquement mon comportement avec la lecture. Il y a un côté où j’aime ça, évidemment, je ne m’inflige pas la lecture de plus de 50 bouquins par an par pur masochisme, mais il y a véritablement un côté “je lis pour lire, quoique je lise, je vais au bout”. Je finis un livre, j’en enchaine un autre, semaine après semaine, roman après roman, tout le temps depuis une dizaine d’années maintenant. Avant cela, je lisais, oui, mais pas forcément autant et pas avec un tel rythme.

Qu’est-ce qui a changé ?

Première chose, on m’a offert ma première liseuse, et ça a véritablement révolutionné ma consommation littéraire. Avant, je devais soit acheter mes livres, soit les emprunter en bibliothèque. Quand j’habitais en région parisienne, je n’avais pas le temps d’aller en bibliothèque (j’ai du mettre les pieds une fois dans la médiathèque de la ville où j’habitais) et au bout d’un moment, je n’avais plus le budget pour acheter tous les livres que je voulais lire (ni la place pour les stocker). Et puis est arrivée ma Sainte Liseuse, celle qui m’a ouvert les portes du monde de l’epub, du mobi et autres ebooks. Dès lors, ma vie a changé. Je le confesse, oui, j’ai téléchargé illégalement des livres, notamment des romans non-traduits en français. Un des premier dossier que j’ai obtenu, via un collègue de travail de l’époque, comprenait plus de 3000 ouvrages d’auteur·ices divers·es et varié·es… Forcément, j’ai eu l’impression d’avoir un accès secret à ma propre bibliothèque personnelle pour pas un kopek et je pense que ça a largement contribué à ma boulimie de livres. J’ai relu des romans que j’avais adoré, j’ai découvert des auteur·ices que je ne connaissais pas et ça a déclenché en moi cette addiction aux mots, cet appétit insatiable qui me pousse à enchainer les histoires, les récits, les documentaires, les fictions, les romans SF, les histoires de fantasy, les polars, les témoignages les uns après les autres.

Seconde chose, je lis pour m’endormir le soir. Et comme je dors tous les soirs, je lis tous les soirs. Et comme je lis tous les soirs, j’en lis pas mal des bouquins ! C’est devenu un rituel au moment où j’ai eu mon fils, je pense, il y a dix ans maintenant. Les nuits entrecoupées pendant des mois, plutôt que de les passer à regarder la télé ou geeker sur mon téléphone (mais ça se faisait un peu moins à l’époque), je me suis dit, tiens, c’est l’occasion de lire, et j’ai commencé à développer cette habitude. Depuis, je ne peux pas aller me coucher sans lire un peu, même cinq minutes, même trois phrases, même bourrée, il faut que je lise pour m’endormir. C’est mon réflexe de Pavlov à moi, qui est un peu une malédiction auto-infligée aussi : dès que je lis j’ai envie de dormir, ce qui fait que parfois, même en journée, même “pas fatiguée”, je pique un peu du nez quand je commence à lire… Fâcheux quand tu as des recherches à faire ou quand tu lis un magazine dans une salle d’attente !

Pourquoi je raconte ça déjà ? Je ne sais plus…Ah si, le fait de lire pour lire et de lire des trucs qui ne me plaisent pas forcément.

Donc, avec cet accès bien moins limité à tout un tas de littérature diverse et variée, le fait que j’ai une liseuse et que je lise tous les jours, je lis donc énormément (ça dépend des années, des livres, de mon état de fatigue…) de bouquins dont des livres qui ne me plaisent pas.

Mais je vais quand même au bout, par principe, par curiosité, par respect pour l’auteur·ice qui s’est fait suer à l’écrire pendant des mois voire des années, mais aussi, parce que je ne peux pas faire autrement. Il faut vraiment que le livre soit hyper mauvais (et encore) pour que je décide de l’arrêter. Jusqu’à présent j’ai mis trois livres en “pause” : Les Misérables (trop long, frère, j’ai déjà lu 200 pages et il s’est encore rien passé), Le Comte de Monte-Cristo (mais j’ai bien l’intention de le finir, mais sur le moment, j’en ai eu un peu marre, comme quand un série dure trop longtemps, qu’elle ne sait pas s’arrêter comme il faut et tire l’intrigue pour la saison de trop…) et Dette : 5000 ans d’histoire de David Graeber (qui est un livre passionnant mais parfois je m’y perds, du coup je prends mon temps).

Il y a peu de livres que j’ai vraiment arrêté de lire parce que ça ne le faisait pas. Vernon Subutex de Virginie Despentes (j’ai envie de l’aimer mais pour le moment, ça ne passe pas, peut-être plus tard…), Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estes (intéressant mais un peu long, j’y retournerai aussi je pense)… mais généralement, même si c’est une souffrance, si les personnages me saoulent, si l’histoire est bof, je vais quand même au bout. C’est le même principe que “finis ton assiette sinon tu sors pas de table”, mais avec des livres. Même l’estomac plein, nauséeuse, je finis mon assiette parce que sinon je n’ai pas le droit de passer à autre chose.

Qui m’a édicté cette règle ? Personne. Moi toute seule probablement.

Le coup de l’assiette ça doit être ma mère et/ou ma grand-mère, mais pour les bouquins, j’ai pas souvenir qu’on m’ait dit qu’il fallait se forcer…ou peut-être que ça vient du collège, époque bénie où on est obligé·e·s de lire des livres qui ne nous intéressent pas ?

Voire même, peut-être, que ça vient de ce concours de lecture que j’avais remporté en 6e (nerd un jour, nerd toujours), grâce à une fiche de lecture sur un livre que j’avais bien aimé et qui m’avait donné le droit d’être membre du jury d’un prix de lecture jeunesse. J’avais dû me taper la lecture d’une dizaine de livres et la rédaction des fiches de lecture qui allaient avec pour élire le·a meilleur·e auteur·ice jeunesse de cette année-là (et c’était même pas le livre que j’avais choisi qui avait gagné et l’auteur de mon livre préféré s’était avéré être un mec un peu con et méprisant lors de ma rencontre avec lui).

Lire c’est une sorte de drogue dont je ne peux pas me passer, et même quand on me vend de la mauvaise came, que le shit est coupé au pneu, que la coke est blindée de doliprane, je la consomme avec la même avidité, quitte à dégueuler partout et faire un bad trip. Souvent, je sais que ça va être mauvais dès les premières pages, que je vais en chier, que je vais devoir m’accrocher pour aller au bout, mais une fois que j’ai commencé, je ne m’arrête pas, tant pis si j’en crève.

Je parie qu’on me retrouvera sur mon lit de morte un bouquin à la main, comme une aiguille plantée dans le bras.

Doom reading.

Page après page, tant pis si j’en crève.

Faites-en mon épitaphe.

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