Mettre des mots sur ma dépression, maintenant je peux. Attention, c’est pas drôle mais c’est la vraie vie.
Je suis entrée dans le monde fabuleux de la dépression de manière insidieuse. C’est un monde dans lequel tu tombes comme une Alice au fond d’un terrier plus que tu n’y pénètres comme un Harry qui arrive à Poudlard.
Le monde de la dépression, c’est un peu LE monde chiant par excellence.
C’est un monde chiant parce que tu vois la vie en noir 90% du temps, tu lâches tes loisirs et tes passions un à un parce que bof, ça t’intéresse plus tant que ça, tu (re)commences à prendre des décisions nocives pour toi comme picoler c’est sympa, fumer ne me tuera pas moi, tiens si je glandais devant ma téloche au lieu de faire ma lessive ou dormir c’est pour les faibles…bref, c’est un monde chiant dans lequel tu t’enfonces malgré toi. Un monde où tu ne te rends même pas compte que tu as déménagé en quelques mois.
Et puis au bout d’un moment, ton cerveau inconscient fait le rapprochement entre ses actions et les raisons pour lesquelles il les fait. Et puis un jour, il envoie le message à ton corps mais pas encore à ton cerveau conscient. Alors tu te retrouves paralysée par la peur dans des situations où jusqu’alors tu excellais. Tu commences par des vertiges, à avoir du mal à respirer et puis l’angoisse monte et le mal-être ne te quitte pas pendant des heures. Ça, c’est l’activité chiante de ton monde chiant de la dépression, les crises d’angoisse et de panique. Aussi crevant qu’un bon footing mais un apport bien plus important en sensation de mort ! Je ne mets pas cinq étoiles, je ne recommande pas sur Trip Advisor.
Quand tu n’en peux, physiquement et mentalement, plus de ton monde chiant, tu remercies l’univers d’avoir des gens autour de toi, toi qui te pensais seule, terriblement seule, seule au point d’être perdue. Et ces gens, ta famille choisie et ta famille de sang, déplacent des montagnes pour venir te repêcher au fond de ton trou.
Grâce à elleux, tu rentres à la maison, tu te mets à l’abri. Grâce à elleux, tu peux te reposer. Grâce à elleux, tu trouves le soutien nécessaire pour aller te faire soigner.
Les premières semaines après la crise sont bizarres, irréelles. Tu dors beaucoup, tu ne sais plus comment te comporter dans le monde « normal ». Tu sors peu et quand tu sors, ce n’est jamais bien loin de chez toi. Tu contemples le vide. Tu écoutes le silence. Tu écoutes ton cerveau qui petit à petit se tait. Qui petit à petit arrête de crier. Et quand toutes les voix médisantes se sont enfin tu, tu recommences à t’entendre toi.
Les semaines suivantes sont alors moins dures. Oh elles ne sont pas parfaites, non, mais tu arrives à sortir un peu de chez toi, tu vas chez des amis, faire des courses, tu réussis même à aller boire un coup (non-alcoolisé) en terrasse un soir d’été. Tu recommences à supporter le bruit, l’agitation et le monde. Tu recommences à tolérer les endroits clos. Tu retournes même à un concert.
Évidemment, la dépression n’est pas un long fleuve tranquille et tu fais forcément des (re)chutes. Comme cette crise d’angoisse un matin, en vacances, alors qu’il ne se passe « rien » et que tu te retrouves en larmes dans la voiture, le souffle court, en sueur, terrifiée. Ou comme cette crise, des semaines après, quand tu t’autorises presque à envisager une vie après la dépression, mais que tu fonds en larmes pendant de longues minutes parce que quelque chose ne se passe pas comme prévu et que tu ne comprends pas pourquoi.
Aujourd’hui, je n’ai pas encore complètement quitté le monde chiant de la dépression. Je n’en suis plus que locataire temporaire, je m’en persuade, mais je sais que sans l’aide précieuse des médicaments, je n’en serai pas là. J’ai recommencé à écrire et pour ma psy, c’est une des choses les plus positives de ces derniers mois. J’ai recommencé à écouter de la musique, je recommence à m’intéresser aux actualités. Je recommence ma vie là où j’ai du la laisser s’arrêter.
L’avantage de ce recommencement, c’est que je vais pouvoir changer ce qui ne me convenait plus.
Crédit image : The Sad Ghost Club