J’avais le sentiment d’errer, de me regarder retomber dans mes vieilles habitudes, dans ma paresse, sans avoir aucun moyen de m’en sortir.
Je me voyais sombrer mais je ne faisais rien.
J’en étais arrivée au stade de la paralysie : l’inaction plutôt que d’essayer de faire face.
J’ai arrêté de bosser sur mon idée de cours, j’ai arrêté d’écrire, j’ai délaissé les bouquins que j’étais en train de lire, j’ai lâché l’affaire avec le nouveau programme de muscu que j’avais commencé…bref, j’ai tout foutu parterre et je suis partie bouder dans mon coin.
SOS d’une terrienne en détresse
Dans ces moments-là, quand je me noie dans ma propre existence, ma bouée de sauvetage est une forme d’art : un album, un film, une série ou encore et très souvent, un livre. Pas toujours le même, mais un ouvrage que j’ai déjà lu de préférence, et où je fini par trouver des réponses.
Je ne fais pas ça consciemment et à vrai dire, je viens seulement de le réaliser maintenant, mais que je décide de retourner me cacher à Poudlard quand la vie m’en fout vraiment trop plein la gueule comme l’année dernière ou que je replonge dans la folie des meurtriers imaginés par Maxime Chattam pour me rassurer sur ma propre santé mentale, les livres sont mes doudous.
Et mon doudou, ma lumière au bout du tunnel, a été cette fois-ci, le roman de Neil Gaiman : American Gods.
Dieux anciens et messages oniriques
A la base, l’excuse consciente que mon cerveau m’a donné pour que je décide de retourner me promener avec Ombre et Voyageur, c’est que le roman allait être adapté en une série dont le premier épisode serait diffusé le 1er mai en France. Il fallait donc que je le relise au plus vite.
J’ai donc ouvert ce livre après plusieurs années sans avoir lu les histoires des Anciens Dieux, racontées magistralement par l’auteur le plus génial de ces 20 dernières années. (Oui je #FanGirl légèrement sur Neil Gaiman)
Outre le plaisir de lire un excellent roman, bourré d’imagination, de symbolisme et de personnages que j’ai eu plaisir à retrouver, American Gods m’a rappelé pourquoi j’aime tant écrire et pourquoi lire quand on écrit est primordial.
“If you want to be a writer, you must do two things above all others: read a lot and write a lot. There’s no way around these two things that I’m aware of, no shortcut.”
Stephen King, On Writing
« Si vous voulez devenir écrivain, il y a deux choses que vous devez faire avant tout : lire des tas de livres et beaucoup écrire. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’autre moyen. Il est impossible d’échapper à ces deux activités, pas de raccourci. »
Stephen King, Écriture : Mémoires d’un métier.
C’est allé un peu plus loin quand mon inconscient a décidé, comme dans le roman de Gaiman, lorsque Ombre rêve du Dieu Bison, de me faire passer un message.
Sheets making me high
Un soir, après avoir lu quelques chapitres d’American Gods, j’ai fait un rêve particulièrement perturbant.
J’étais debout sous-terre et j’essayais de revenir à l’air libre en poussant, en creusant, en m’excitant mais je n’y arrivais pas. Je manquais d’air. Ma respiration se faisait haletante jusqu’à ce que finalement, je la bloque pour tenter d’économiser le peu d’air qu’il me restait pour parvenir à émerger à la surface.
Je revois la terre qui me tombe sur le visage, le trou qui me mène à l’extérieur assez proche mais trop petit pour que je passe. Je ressens encore la panique. Le cœur qui bat de plus en plus lentement. La pression sur la cage thoracique. Le visage qui chauffe.
Et puis, je me suis rendue compte que je bloquais vraiment ma respiration, pas seulement dans mon rêve mais aussi dans mon lit, dans la vraie vie. J’étais en train d’étouffer pour de vrai !
Et là, je me suis entendue penser, toujours endormie mais de manière consciente :
Arrête de bloquer ta respiration, c’est ton rêve, ouvre les yeux et respire. Tu fais ce que tu veux. C’est toi qui décide.
J’ai ouvert les yeux. J’ai respiré. J’ai ressenti un immense soulagement, déjà de ne pas m’être suicidée pendant mon sommeil en retenant mon souffle (est-ce d’ailleurs possible ?) mais aussi, parce que je venais de comprendre quelque chose.
C’est moi qui décide
C’est vrai que je me sentais submergée, enfermée, recouverte par mes doutes et mes peurs. C’est vrai que j’avais beau avoir l’impression de creuser, de me débattre, de remuer dans tous les sens, je n’arrivais pas à sortir de mon trou.
Face à la tournure qu’avait pris mon existence avec tous les nouveaux projets dans lesquels j’avais décidé de me lancer, je perdais pieds.
Je paniquais.
La solution était pourtant simple, il me suffisait d’ouvrir les yeux et de respirer. Littéralement et métaphoriquement. Prendre du recul et réaliser que c’est moi qui décide de me laisser submerger ou non et que j’ai le pouvoir de m’en sortir.
Il me suffit d’ouvrir les yeux et de respirer.
Je me sentais débordée, perdue, en plein doute sur la validité de mes idées, sur ma capacité à les mener à bien, sur ma légitimité même, d’avoir eu ne serait-ce que l’envie de me lancer.
Mais c’est moi qui décide.
C’est moi qui dit si ça vaut le coup.
Et ça vaut le coup.
Convergences heureuses
Après ce rêve digne d’un message qui m’aurait été envoyé par les Muses, l’Univers a continué de m’en envoyer d’autres ou, pour exprimer ça de manière plus rationnelle : mon attention a commencé à se porter de nouveau sur des messages positifs au lieu de garder le nez collé dans ma mauvaise humeur, ma dispersion et mes doutes.
Alors que j’avais mis de côté la communauté Live Your Legend, parce que « grrrr grrrr les gens qui font et réussissent des trucs me saoulent parce que moi je suis nulle et je n’arrive à rien », Chelsea Dinsmore a partagé un article sur sa propre expérience et notamment son errance depuis quelques mois.
Dans un post, rédigé de manière très transparente comme d’habitude, elle explique ce qu’elle a ressenti durant ces deux derniers mois, après avoir pris la décision de partir en Australie, toute seule.
Throughout this process I have felt lost – like I have no clue what to do or where I want to go. I have felt alone. I have felt paralyzed. I have felt angry – like why can’t I just keep doing what I am doing versus wanting to pursue a life more meaningful to me. I have felt pissed that I ever decided to live my damn legend in the first place! (…) I am living and breathing the unknown right now. The self-inflicted pressure to do something more – and therefore, the doubt and questioning behind it all.
« Durant ce processus, je me suis sentie perdue – genre, je n’ai vraiment aucune idée de ce que je dois faire ou de l’endroit où je veux aller. Je me suis sentie seule. Je me suis sentie paralysée. Je me suis sentie en colère – pourquoi ne pouvais-je tout simplement pas continuer à faire ce que je faisais au lieu de vouloir vivre une vie qui avait plus de sens pour moi ! (…) Je vis et je respire l’inconnu en ce moment. La pression auto-infligée de faire quelque chose de plus grand – et donc, le doutes et les questions que cela engendre. »
Que quelqu’un qui aspire, un peu comme moi, à vivre une vie meilleure, à poursuivre ce qui au fond d’elle lui paraît être sa voie, se sente parfois aussi perdue, m’a grandement soulagé.
A la fin de son post, Chelsea Dinsmore conclut par ces mots :
So if you, at times, feel like this whole path to living your legend is just too damn hard, know that you are not alone. I am right there with you at the moment. Our whole community is.
« Alors, si parfois, vous sentez que le chemin vers votre « vie de légende » est bien trop difficile, sachez que vous n’êtes pas seuls. J’en suis exactement au même point que vous en ce moment. Et il en est de même pour tout notre communauté. »
Je ne suis pas la seule à être submergée par l’idée de « vivre ma légende » et c’est réconfortant et motivant à la fois. J’avais peur d’avoir perdu la flamme pour de bon mais apparemment, il ne s’agit que d’un obstacle sur mon chemin. Une errance. J’ai donc entrepris de resserrer mes lacets, de remettre mon sac à dos comme il faut et de reprendre la route.
Et c’est là que j’ai croisé Steven Pressfield.
Au boulot, feignasse !
Cela faisait des mois que j’avais acheté trois courts ouvrages traitant de l’écriture et de la création artistique de manière générale, « The War of Art », « Turning Pro » et « Do The Work », tous signés de cet auteur. Ils m’avaient été recommandés par divers écrivains, aspirant ou confirmés, m’assurant qu’ils m’aideraient dans mon entreprise personnelle d’écriture de fiction.
Mais comme je suis une tête de nœuds, j’ai d’abord lu le bouquin de Stephen King « Écriture » et j’ai cru, naïve que je suis, que je savais désormais tout ce qu’il y avait à savoir sur la manière d’écrire un roman puisque j’avais lu les mots du Maître. J’aurai bien le temps de lire les trois petits bouquins de l’autre type plus tard, pour le moment, au boulot, hop hop hop, allez va écrire un best-seller et dépêche-toi !
La suite, tu la connais.
J’ai commencé, j’ai paniqué, j’ai arrêté.
Et puis, à la faveur de mes épiphanies des derniers jours, j’ai compris que j’avais quand même besoin d’un autre coup de pouce. J’étais prête à relire « Écriture », à en faire mon prochain doudou pour me tenir compagnie sur ce chemin un peu effrayant, mais je suis retombée sur les bouquins de Pressfield.
Hashtag signe de l’Univers
Ils ne payaient pas de mine ces trois petits bouquins et pourtant, pourtant, ils m’ont mis la petite claque qui me manquait pour je m’y remette.
Dans « The War of Art« , Pressfield met un nom sur tout ce qui nous empêche d’aller jusqu’au bout dans nos projets (d’écriture comme de tous types de création) et il appelle ça la Résistance.
Procrastination, doute, perte de confiance en soi, addictions diverses, la Résistance est protéiforme et insidieuse et son seul but est de nous empêcher de réussir.
Au fil des pages, alors qu’il en décrit les diverses formes, qu’il a souvent lui-même rencontré, moi, je comprends enfin ce qui m’arrive. Je suis aux prises avec la Résistance.
Dans son ouvrage suivant, Do The Work, qui reprend grosso merdo ce qu’il raconte dans TWOA et Turning Pro, il parle même du retour de ce doute, cette perte de confiance, cette remise question et l’appelle « being in the belly of the beast », être dans le ventre de la bête.
Pour lui, quand tu te lances dans un projet, tu passes par plusieurs phases. Après avoir pris la difficile décision d’y aller, tu bénéficies d’une sorte d’élan, une période où tu es à fond, tu travailles, tu es concentré, tu avances bien, tout roule. Et puis PAF, pastèque ! Plus rien ne va.
Out of nowhere, terror strikes. Our fragile confidence collapses. (…) That « You suck » voice is back, howling in our head. (…) We’re poised at the brink of a creative breakthrough and we can’t stand it. The prospect of success looms. We freak. Why did we start this project ? We must have been insane. Who encouraged us ? We want to wring their necks. Where are they now ? Why can’t they help us ? (…) We know we’re panicking but we can’t stop. We can’t get a hold of ourselves. We have entered the belly of the beast.
« Sortie de nulle part, la terreur frappe. Notre confiance toute fragile s’effondre. Cette voix qui nous hurle « t’es qu’une merde » fait son grand retour dans notre tête. (…) On est au bord d’une percée créative mais on ne peut pas le supporter. La perspective d’un succès se profile et on pète les plombs. Pourquoi s’est-on lancé dans ce projet ? Il fallait être fou pour le faire. On a envie de briser la nuque de quiconque nous y a encouragé. D’ailleurs, ils sont où maintenant ? Pourquoi ils ne viennent pas nous aider ? (…) On sait qu’on est en train de paniquer mais on ne peut pas s’en empêcher. On n’arrive pas à se reprendre. Nous sommes entrés dans le ventre de la bête. »
Et c’est apparemment là que je me trouvais.
J’ai commencé avec le cœur plein de confiance et la tête pleine d’idées et la petite voix que j’avais réussi à faire taire est revenue me brailler dans le cœur que je n’étais pas capable d’y arriver. Que je me dispersais. Que je faisais trop de choses à la fois. Que je ne m’en sortirai jamais. Que je n’étais pas inspirée. Que je n’avais pas de talent et encore moins de légitimité.
Selon Pressfield, plus la Résistance est forte vers quelque chose que l’on entreprend, plus cette entreprise a de l’importance pour nous. La Résistance est comme une boussole qui nous indique ce vers quoi nous avons besoin d’aller.
The more scared we are of a work or calling, the more sure we can be that we have to do it.
Resistance is experienced as fear; the degree of fear equates to the strength of Resistance. Therefore the more fear we feel about a specific enterprise, the more certain we can be that that enterprise is important to us and to the growth of our soul. That’s why we feel so much Resistance. If it meant nothing to us, there’d be no Resistance.
« Plus nous avons peur d’un projet ou d’une vocation, plus nous pouvons être sûr que nous nous devons de le faire. La Résistance se ressent comme de la peur; le degré de peur est égal à la Résistance. Ainsi, plus le degré de peur que nous ressentons à propos d’une activité particulière est important, plus nous pouvons être certain de son importance pour nous et la croissance de notre âme. C’est pourquoi nous ressentons tant de Résistance. Si ça n’avait pas d’importance pour nous, il n’y aurait pas de Résistance ».
C’est la peur qui m’a fait errer pendant des semaines et elle a presque réussi à me perdre. Mais heureusement, « tous ceux qui errent ne sont pas forcément perdus ».
Allez, j’y retourne.
Photo de couverture : Designed by Jcomp / Freepik
Surtout, faut pas penser à la montagne qu’on doit gravir mais au chemin qu’on fait, à son rythme, une pierre, un caillou à la fois. Tu peux le faire putain de merde.
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C’est ça ! Un pied devant l’autre, une lettre après l’autre, une page après l’autre ! <3