Compulsion #13

Ouverture des portes

TW : ce texte évoque des questions de corps, de poids, de grossophobie internalisée et systémique ainsi que de dysmorphophobie.

Un BD

Dans le palais des miroirs de Liv Strömquist.

C’est marrant quand un sujet vous préoccupe, tout semble parler de cela autour de vous.

Je suis préoccupée par mon corps.

Préoccupée par mon corps ces derniers temps (comme 99% de ma vie, je crois), et je tombe, dans le dernier épisode de Queer Eye S06, sur une #QETip qui dit, en gros, “quand vous avez du mal avec votre estime de soi, appelez un·e ami·e pour vous montrer ce qu’il y a de beau chez vous”. Et je pense à toutes ces fois où mon mari, mes ami·es me répètent que je suis belle et désirable, que je dis merci mais que je n’en crois pas un mot.

Préoccupée par mon corps, comme toujours, mais un peu plus cette fois-ci car j’ai retrouvé des photos de moi adolescente il y a quelques jours et que j’ai revu des photos de moi d’il y a quelques années, quand je faisais beaucoup de sport, et que ce message dans une télé-réalité wholesome tombe à pic.

En me revoyant à ces stades différents de ma vie, je me suis rendue compte que je me trouvais belle, en me voyant avec mes yeux de maintenant. Je me trouve belle, avec le recul, les années, l’expérience… et avec mes kilos en plus que j’ai du mal à accepter.

Je suis retombée par hasard sur toutes ces photos de moi plus jeune, et je me suis demandée comment j’avais pu avoir une image de moi si déformée pour me considérer comme je le faisais à l’époque. J’ai grandi en me disant que j’étais dans la catégorie des corps gros et je me rends compte que je ne l’étais pas. J’étais “normale” mais je me voyais d’une manière totalement différente. J’étais persuadée d’être grosse, vraiment, sincèrement. J’ai toujours été persuadée de l’être et je me rends compte en me regardant aujourd’hui du haut de mes 95 kilos pour 165 cm que non, je n’étais pas grosse. Ni même ronde. Je n’étais pas mince, mais pas grosse non plus.

Alors comment ça se fait ? Comment se fait-il que j’ai toujours eu cette vision de moi ? La faute aux autres enfants qui m’appelaient “Baleine” au lieu d’Hélène en primaire ? La faute à certains mecs avec qui je suis sortie qui me disaient que si je prenais un peu plus soin de moi et que je perdais quelques kilos, je serais encore plus belle ? La faute aux médecins (généralistes et spé), qui m’ont toujours dit que 65kg pour 165cm c’était être en surpoids ? La faute à l’IMC de sa vieille mère ?

Et surtout, pourquoi être grosse a été mon obsession et ma hantise toute ma vie ou presque ? 1

Pourquoi mon reflet dans la glace a toujours été mon pire ennemi alors que lorsque je pose des yeux bienveillants sur mon moi de cette époque, je me vois telle que j’étais, une nana avec un gros manque de confiance en elle qui, si elle avait eu l’audace de s’aimer un peu plus, aurait pu conquérir le monde ?

Bref, je suis toujours préoccupée par mon corps, à près de 40 ans, alors que je me répète en boucle que NON, grosse n’est pas une maladie, un défaut, un problème, que j’ai le droit d’avoir pris 20kg parce que j’ai traversé une dépression et une pandémie en trois ans de vie, et quand bien même je n’aurai rien traversé, j’aurais eu le droit pareil. Que j’ai le droit d’avoir envie de faire du sport sans être obligée d’avoir un objectif de perte de poids mais que j’ai aussi le droit d’avoir envie de perdre du poids, sans que cela fasse de moi un monstre d’hypocrisie (peut-être que si, je ne sais pas, je continue d’en parler avec ma psy, je vous dirai quand j’aurai tranché). J’oscille toujours entre neutralité, amour et haine de moi et je peine encore et toujours à trouver un équilibre sur cette balance-là (le pèse-personne, je n’y fous plus les pieds).

Et c’est donc dans ces circonstances d’éternelle préoccupation de moi que je suis tombée sur la BD de Liv Strömquist, “Dans le palais des miroirs”.

(Ça va, l’intro ? Plus longue encore la prochaine fois ?)

Dans cet album, Liv Strömquist explore les thèmes de la beauté, du regard que l’on pose sur nous, sur les autres, de l’impact des réseaux sociaux sur notre image, des mécanismes psychologiques qui se cachent derrière les réactions que nous avons lorsque nous voyons des gens beaux sur Instagram, du narcissisme, de la vanité… le tout en prenant pour point de départ des photos de Kylie Jenner et Kim Kardashian postées sur leurs comptes Instagram.

Je sais, dit comme ça, c’est un peu brouillon mais c’est vraiment très intéressant, documenté, habilement illustré et suffisamment ironique et drôle pour ne pas être chiant.

Voilà, c’est tout ce que j’ai à dire, en fait. Lisez-le !


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Pour cette question, en vrai, on connait la réponse, ça s’appelle grossophobie et ça nous fait croire depuis des lustres qu’un corps gros est un corps moins bien, moins beau, en moins bonne santé.

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