Alors que je commence l’écriture de cet article, nous sommes le 18 janvier (2021, mais c’est pas ça l’important). Et le 18 janvier est aussi appelé « Blue Monday » parce qu’un faux chercheur de l’Université du Pays de Galles du nom de Cliff Arnall a déclaré à la télévision britannique que ce jour était le plus déprimant de l’année, selon une formule aussi scientifique que moi, c’est-à-dire bien peu : « La météo plus la différence des dettes contractées à la période des fêtes avec la capacité effective de remboursements avant la prochaine paie, multipliée par le temps écoulé depuis Noël avec pour exposant, le temps écoulé depuis nos résolutions du Nouvel an, divisé par le manque de motivation, multiplié par le besoin d’agir« .
Le tout était en fait payé par l’agence de voyage Sky Travel afin de pousser les anglais à prendre des vacances en janvier.
Mais, bien que de nombreux démentis aient été publiés, l’histoire débunkée encore et toujours, elle, continue de revenir sur le devant de la scène des internets tous les ans et de faire du clic sur les sites d’infos. La preuve, je suis tombée ce matin sur une illustration d’une artiste que je suis sur instagram y faisant référence !
Du coup, ça m’a fait pensé à la chanson Blue Monday, que j’ai connue via le groupe Orgy, qui apparaissait sur l’album du live Family Values Tour ’98 et paf ! sérendipité et pastèque, j’ai décidé d’écrire un #TBT sur cet album live culte de mon adolescence et de mon voyage scolaire en Autriche en classe de seconde !
This song is called Blue Monday
Oui, cette intro est un peu longue mais finalement, elle ressemble à ce que je ressentais en écoutant les premiers morceaux de cet album live. FVT98 est typiquement le CD où je n’avais aucun scrupule à skipper pour écouter les quelques morceaux qui m’intéressaient à savoir : Blue Monday par Orgy, Faith par Limp Bizkit, Du Hast de Rammstein et les quelques morceaux de Korn qui concluent le CD.
L’album est sorti en mars 1999, après que la tournée Family Values ait fait jumper les USA pendant les mois de septembre et octobre 1998 et il est instantanément devenu un must-have pour les néo-métalleux de France et d’Europe dont je faisait partie.
Réunissant Korn, Limp Bizkit, Ice Cube, Orgy et Rammstein + Incubus qui était présent sur cinq dates en remplacement d’Ice Cube, cette tournée avait tout pour me rendre dingue de jalousie et provoquer les fantasmes de concert les plus fous pour la petite ado provinciale que j’étais et pour qui ce genre de live représentaient une sorte de Graal à vivre au moins une fois dans sa vie.
À l’origine, le Family Values Tour ’98 est une sorte de conclusion épique à la tournée de promotion de Korn aux États-Unis pour la sortie de son dernier album en date, le cultissime Follow The Leader. Sur cet album, Korn laisse sortir son côté le plus hip-hop/fusion en interprétant un duo sous forme de battle avec Limp Bizkit (que le groupe a très largement aidé à faire connaître et même produire et dont le premier album Three Dollar Bill Y’all sortit en 1997), ainsi qu’un autre avec Ice Cube, membre du N.W.A., daron du gangsta rap américain, qui faisait carrière en solo depuis le début des années 90.
Il n’en fallait pas plus pour décider de monter une tournée avec d’autres groupes que Korn avaient envie de soutenir et qui avaient une actu à la même époque (god bless les années 1997-98-99, années du néo-métal par excellence) : Incubus qui tournait déjà en première partie de Korn pour promouvoir S.C.I.E.N.C.E., Rammstein que le public américain ne connaissait pas encore beaucoup alors qu’en Europe, on ne les présentait plus ou presque et qui faisait la promo de leur second album Sehnsucht et Orgy qui sortait son premier album Candyass.
Une affiche de rêve aussi bien pour Immortal / Epic Records que pour les fans.
This song is dedicated to the women accross America
Mais revenons-en à ce disque, cette pochette que j’ai vue, revue et re-revue partout, en poster, en CD, en petit, en grand dans les magazines que je lisais, dans les agendas ou sur les murs des chambres de mes potes. Objectivement, je trouve que FVT98 n’est pas un « bon » album live. Le son n’est pas dingue, le choix des morceaux est décevant et le contenu aurait pu être bien plus complet. Mais. Mais. MAIS.
Ça reste quand même un putain de disque. Un disque qui réunit la crème des artistes que j’écoutais à l’époque en live. L’occasion pour moi d’entendre la voix de mes groupes favoris en ambiance concert, de m’imaginer au milieu de cette foule, comme je le ferai en vrai des années plus tard, au milieu de fans comme moi à chanter, headbanger, hurler, applaudir ces groupes dont je rêvais nuit et jour et dont j’écoutais en boucle (littéralement) les albums sur mon poste CD.
How many y’all know ’bout NWA ?
J’aimais bien les albums live à l’époque, moins maintenant. Mais dans les années 90-2000, écouter l’enregistrement d’un concert d’un artiste que j’aimais, c’était un grand moment. Je me souviens être allée dans un tout petit riquiqui magasin de ma ville qui vendait des t-shirts de groupes et des CD pirates de concert pour écouter un album live de Marilyn Manson avec un son dégueulasse et avoir éprouvé une sensation de joie mêlée de fierté immense. Je faisais partie d’une élite qui avait eu la chance d’entendre la « vraie » voix de l’artiste, arrivant presque au même niveau que celles et ceux qui avaient eu l’honneur, la chance, le bonheur d’assister au vrai concert.
Les albums live ont commencé à perdre de leur saveur quand j’ai pu aller voir mes artistes préférés en concert évidemment.
Lorsqu’en 2000, alors élève de seconde dans un petit lycée d’Ardèche, je participai à un voyage scolaire en Autriche, je ne m’attendais pas à ce que Family Values ’98 soit au cœur de mes préoccupations. Et pourtant !
Mon correspondant (parce que j’étais une des rares à avoir un correspondant mec, c’était ouf) était un gros fan de rock (Red Hot Chili Peppers, Guano Apes,…) et un gros fêtard qui passait pas mal de ses soirées avec ses potes dans une salle mise à dispo par la mairie de leur ville à picoler des bières tout en écoutant de la musique. Rapidement, il m’a emmenée là-bas, a fait venir mes copines et leurs corres’ et nous voilà à passer la quasi-totalité des soirées de cet échange scolaire à picoler des bières en écoutant Korn, Rammstein, Limp Bizkit et consorts. Et évidemment, l’album Family Values ’98 était dans le lot. Et évidemment, il a été lié pendant des années à ce voyage et je me revois, encore aujourd’hui, 20 ans après, en train de partager des écouteurs avec ma copine Alex pour écouter Blue Monday repris par Orgy (j’appris bien des années plus tard que c’était une cover de New Order) à fond alors que nous marchions sur les bords du lac de Bregenz, lors d’une visite dont nous n’avons pas retenu grand chose.
Comme je le disais plus haut, ce live a beau ne pas être un bon live, il a eu une place de choix dans mon coeur. La même année sortait le live de Marilyn Manson The Last Tour On Earth, qui lui aussi a eu une place de choix dans ma platine et mon coeur et qui, pour le coup, était bien plus qualitatif que FVT98. Il m’a fallu attendre bien trois ou quatre ans après la sortie de ces deux albums (une vie, en somme) pour enfin voir Korn et Manson en concert. La première fois que j’ai vu Jonathan Davis de près, que j’ai entendu les riffs que j’avais écouté durant des heures et des heures joués dans une salle immense avec deux ou trois mille autres personnes à mes côtés, peut-être que c’est là que j’ai arrêté de courir après les albums live et que j’ai préféré courir après les places de concerts.
Evidemment, j’ai hâte de retourner me frotter à mon/ma prochain·e dans une salle sombre, remplie sueur en suspension, avec des gus sur une scène qui gueulent et jouent de la guitare (trop) fort. Je suis comme toi, j’attends patiemment que le monde redevienne « normal » et en attendant, je ressors mes albums live pour faire comme si, pour faire comme à l’époque, pour m’imaginer collée à une barrière, écrasée par une foule compacte, des étoiles dans les yeux et de l’amour plein le coeur. Pour m’imaginer le stress et l’excitation la veille au soir, la bière trop chère, le mal de dos, le mal de pieds, les acouphènes, la voix cassée, la sensation que ça n’a duré que trente secondes, le lendemain, les yeux encore dans le vague et le coeur encore emballé dans une boite en satin qui pulse au rythme des souvenirs des morceaux que j’ai entendus la veille.
C’est pas vraiment de la poésie les concerts et pourtant, je ne connais rien de plus proche de dieu que ces moments-là. C’est mon église à moi et putain, que j’ai hâte de pouvoir retourner prier !