Et encore, on ne sait pas tout !
Une obsession
Les pubs radios pour E.Leclerc.
Je suis une grande auditrice de radio, ou plutôt, j’ai longtemps été une grande auditrice de radio. J’ai grandi en écoutant les matinales d’Europe 2 ou de NRJ, j’ai passé des heures et des heures à écouter Oui FM, le Mouv’, RTL 2… à la maison ou en voiture, j’ai passé des soirées collée à mon poste pour écouter les délires de culture générale de Laurent Baffie dans C’est quoi ce bordel ?, bref, la radio et moi c’est une grande histoire d’amour – et c’est d’ailleurs cet amour qui m’a conduit derrière les micros d’une radio associative il y a bientôt 15 ans, micros que j’ai retrouvé depuis un an et demi avec un plaisir non-dissimulé !
Ce qui m’a un peu (beaucoup) dégoûtée des radios “commerciales” ce sont les tunnels de pub. Trop de pub tue la pub, trop de “Carglass répare, Carglass remplace”, trop de “C’est la MAAF !”, trop, trop, trop, je n’en pouvais plus de ces passages de plusieurs longues minutes où la musique ou l’émission sont coupées pour laisser la place à des marques qui veulent me vendre leur came ! Alors, comme pour la télé (que je ne regarde quasiment plus, pour la même raison, mais pas que), je zappais, encore et encore jusqu’à trouver une station où aucun spot ne serait en cours de diffusion et j’étais prête à rester à l’écoute de la première antenne où j’entendrais un morceau de musique, même nulle, ou un débat sur l’hermaphrodisme des castors lapons (téma la taille de la réf).
Pourtant. Pourtant, il reste une série de pubs radios qui m’ont toujours fasciné, ce sont les pubs pour les magasins Leclerc. En 2000, la marque de Michel-Edouard avait habilement choisi de construire son identité de marque autour d’une famille, dont la vie servait d’illustration aux spots ventant les promos de couches, de pâté ou de litière pour chat. Longtemps, j’ai rêvé de savoir qui avait eu le génie de construire cette famille audio qui m’a empêchée de tripoter le tuner de mon autoradio pour passer à la station suivante, parce que, même si elles étaient aussi bêtes que les autres pubs, je trouvais celles-là tellement bien pensées que je leur laissais le bénéfice de l’écoute.
J’y ai repensé l’autre jour, car j’ai entendu les nouvelles versions des pubs radio pour l’enseigne de supermarchés et je me suis fait la réflexion que, tiens, c’est vrai, la “Famille Leclerc” avait disparu des ondes… Dommage.
J’ai donc commencé à farfouiller dans les Internets et je suis tombée sur le reportage ci-dessus, diffusé à l’époque dans Culture Pub (quelle émission, ça aussi !). J’ai ainsi appris qui étaient les visages derrière les voix du couple mythique de la famille Leclerc, Philippe et Mathilde. C’était comme si je découvrais le visage de membres de ma propre famille que je n’aurais jamais rencontré – ce qui est probable d’une certaine manière, vu que je ne connais pas ma famille paternelle, ça se trouve le monsieur qui fait la voix de Philippe, c’est mon tonton par alliance au troisième degré t’sais !
Comme le dit le reportage, Leclerc (ou en tout cas, l’agence qui était chargée de la communication pour Leclerc à l’époque) a créé, en quelques sortes, le premier sitcom publicitaire à la radio. Du pur génie ! Parce que même les personnes les plus réticentes aux messages, comme moi, accordaient de leur temps de cerveau disponible à ces pubs là.
J’ai du mal à expliquer la fascination que j’ai toujours eu pour ces pubs. C’est difficile à dire. Mais si j’y réfléchis un peu, je pense que j’étais presque contente de les entendre parce que :
- elles changeaient souvent (normal, les promos dans la grande distri sont quasi quotidiennes et les messages publicitaires doivent s’adapter à cela) du coup, elles avaient un côté bien moins martelant que les pubs habituelles,
- cette famille était parfaite pour véhiculer tout type de messages parce qu’elle reprenait les grands “personnae” de la famille marketing : la ménagère qui gère, le mari un peu paumé bricoleur, mais attentionné, mais maladroit mais qui fait les courses quand même et qui s’occupe de l’alcool et de la viande, et l’enfant qui veut des jouets mais a aussi besoin de produits de soin particuliers et qui, en grandissant devient une adolescente avec des besoins tout aussi spécifiques. Tous les rayons du magasin étaient couverts avec les interactions de ces trois personnages qui, en plus, sentaient la vraie vie à plein nez, même si leurs textes étaient écrits pour mettre en avant les promos et les bonus en carte de fidélité.
- j’avais une grande fascination pour la pub quand j’étais gamine, et j’analysais beaucoup ce que j’entendais ou voyais. Et avec ces spots-là, j’en ai eu pour près de 20 ans d’études en story-telling et en marketing. Je me souviens vraiment m’être dit un jour “putain, j’espère que quelqu’un a écrit un article sur ces spots !” – je n’en ai pas encore trouvé de suffisamment creusés à mon goût mais si tu en as lu sur le sujet, envoie ! – et “putain, ils ont balaises d’avoir tenu le développement de leurs personnages pendant des années et des années comme ça !”
Et finalement, je pense que ça résume bien les deux aspects qui m’ont fait me passionner pour cette famille de la pub : la capacité à raconter des histoires pour faire vendre. Deux choses que je trouve captivantes, même si le marketing a tendance à fortement me dégoûter aujourd’hui (mais c’est parce que j’ai travaillé dedans pendant des années, je fais un rejet), contrairement à l’écriture d’histoires.
L’association des deux est d’ailleurs aujourd’hui la clé de voûte du marketing. Vous ferez gaffe maintenant, quand n’importe qu’elle marque ou enseigne vous parlera de son “histoire”, vous “racontera” pourquoi elle fait ce qu’elle fait. En vérité, ça n’est pas parce que ça lui fait plaisir de vous le dire, d’ailleurs ce qu’elle vous raconte est quasiment tout le temps “amélioré” pour mieux sonner que sa réalité. Ça s’appelle le story-telling marketing et c’est pour vous vendre un truc (son produit, son business, sa façon de voir les choses pour que vous veniez travailler chez elle…). Vous vous souviendrez alors de cet adage de Tata Leeloo, rien n’est gratuit, encore moins les histoires qu’on nous raconte !
Une série
Reservation Dogs sur Disney +.
Une bande d’ados, qui ont grandi dans une réserve autochtone de l’Oklahoma, tente de gagner de l’argent pour partir en Californie et échapper à leurs vies de merde. Voilà le (très) résumé du point de départ de cette série qui est à la fois drôle mais aussi douce-amère et vraiment poignante.
J’ai d’abord entendu parler de cette série par une artiste que je suis sur Instagram, Brigit Fraga. En tant que latino-américaine, elle disait que c’était la première fois qu’elle voyait une série américaine dépeindre avec autant de justesse la vie des autochtones, sans misérabilisme, sans voyeurisme ni clichés et que ça la touchait beaucoup. Forcément, ça m’a titillé et je me suis promise de la regarder dès que possible et je n’ai pas été déçue !
Chaque personnage de cette série est un petit bijou d’écriture, sans traits forcés et avec beaucoup de sensibilité. Aux manettes, my lord and savior Taika Waititi (What we do in the Shadows, Thor, Jojo Rabbit : <3) et Sterlin Harjo un réalisateur et scénariste qui oriente son travail sur les peuples autochtones des États-Unis et principalement de l’Oklahoma, d’où il est lui-même originaire. C’est d’ailleurs pourquoi tout semble si juste dans cette série, la vie dans les réserves comme les traditions dépeintes.
Au-delà de la comédie, Reservation Dogs se balade dans l’univers du drame et du fantastique sans que l’on ait l’impression d’être dans une parodie. Tout est subtil, délicat, et amené avec beaucoup de cœur, qu’il s’agisse des tragédies qui frappent le groupe d’adolescent·es, des légendes seminoles ou creeks ou de la misère matérielle dans laquelle les autochtones sont obligés de vivre. On s’attache à chaque personnage que l’on rencontre, les adultes comme les ados car on trouve en chacun·e d’elleux une petite étincelle de force et d’amour qui les rend plus profond·e·s qu’ielles n’y paraissent.
Évidemment, c’est un grand maxi best of validation de ma part, supplément recommandation les yeux fermés !