Je travaille dans l’IT, dans une société de services. Notre boulot, c’est d’avoir des développeurs qu’on envoie bosser dans les autres entreprises pour réaliser leurs projets informatiques. Rien de neuf sous le soleil, le concept de SSII ne date pas d’hier, on en connaît les avantages et les inconvénients.
Ma boite est spécialisée dans les projets relatifs au traitement de la donnée. Nous aidons nos clients à mettre en place les bons logiciels dans leur système d’information pour qu’ils puissent stocker, échanger et/ou analyser leurs données.
Pour une entreprise de la grande distribution, par exemple, ça peut aller des données relatives aux stocks, au personnel, ou encore à celles relatives aux clients.
Il n’y a pas de préférences, nous travaillons avec des organisations de toutes tailles et de tous secteurs.
Data management & business intelligence
La data est un domaine d’activité passionnant. J’y apprends chaque jour énormément. C’est en travaillant dans cette entreprise que j’ai découvert le monde de l’open source et du logiciel libre. C’est en travaillant avec des geeks de compét’ que je découvre le monde merveilleux des SI, du big data, des clusters, de la business intelligence, de la gestion des données de référence, de flux, des jobs, de Js…
Je découvre le monde de l’informatique d’entreprise, bien au-delà du PC, de la boîte mail et du navigateur web.
C’est un secteur en expansion depuis plus d’une vingtaine d’années et qui jouit de la tendance actuelle à la transformation digitale des entreprises, du fort développement du cloud et des millions de milliards d’octets de données créés chaque jour par la population mondiale (et pas seulement sur les internets).
Aujourd’hui aucune entreprise ou presque ne peut se passer d’avoir un système d’information, aussi basique soit-il. Là où jadis les organisations stockaient leurs informations dans des classeurs, rangés dans des armoires, elles le font dorénavant dans des serveurs, dans le cloud ou en interne.
Ces données ont toutes une utilité (comptabilité, stock, ressources humaines, marketing, maintenance, recherche et développement…) c’est bien pour ça qu’elles les conservent. Mais, alors que les classeurs ne sont plus physiques mais numériques, elles ont besoin de systèmes informatiques performants pour les stocker, les consulter, les partager, les analyser, les traiter…
Et pour ce faire, elles utilisent, entre autres :
- des bases de données et des serveurs pour stocker toutes ces informations,
- des outils d’analyse et de visualisation de données pour aider les managers à prendre les bonnes décisions (je te résume ici très schématiquement la business intelligence),
- des CRM pour gérer leur relation client, des logiciels de comptabilité, des solutions de gestion et de prévision des stocks, des progiciels pour la logistique, etc.
Et tout cela, toutes ces informations, plus ou moins importantes, plus ou moins sensibles, ce sont des données.
Des milliards d’octets de données.
Data is the new gold
Je ne veux pas me la jouer parano ou encore « Snowden lanceuse d’alerte qui tente de dénoncer un grand complot ». J’aimerais, en revanche, que plus de personnes prennent conscience que tout est data et surtout nous.
Je m’explique.
Nous donnons, et moi la première, des tas d’informations personnelles. A nos applis, nos comptes mails, aux sites que nous visitons par le biais des cookies, à Google ou Waze lorsque nous activons notre GPS, à nos objets connectés (montres, balances, lampes, domotique…) et donc aux entreprises qui les fabriquent, à la grande distribution par le biais de nos cartes de fidélité… nous sommes tous et toutes, et je le dis à nouveau, moi la première, producteurs de données « personnelles ». Et nous n’en avons jamais produit autant (normal tu me diras, avant on n’avait ni le web, ni l’informatique de poche à portée de quasiment tous).
Toutes ces données sont immatérielles, mais cependant, elles comportent de l’information sur nous. Beaucoup d’informations. Bien plus que ce que nous imaginons. Et ça a un impact dans la vie réelle.
Nous racontons des tas de choses à des tas de services différents alors qu’on en n’a pas l’impression : je donne quelques infos à mon provider de mail, quelques infos à Amazon, quelques autres à Facebook, à Twitter, à Fnac, à Auchan, à ma montre connectée, à ma balance connectée… Au final, des tas de grosses entreprises ont des tas d’infos sur moi. Heureusement qu’elles ne se les communiquent pas ! Et heureusement que nos États ne sont pas encore totalitaires et ne collectent pas des données pour s’en servir contre les citoyens.
Bref.
Ce que je veux te dire, c’est que la data est partout et qu’on a vite tendance à l’oublier. Et surtout, on a vite tendance à oublier que nous sommes, chaque être humain ou presque, au cœur de multitudes de systèmes d’informations.
Pour te cultiver sur le sujet, je t’invite avec tout mon petit cœur à télécharger – voire acheter – ce sympathique ouvrage sur la souveraineté de l’internaute sur ses données personnelles. C’est instructif sans être alarmiste et ça propose des solutions. C’est bon lisez-en !
Ocultus Rift
Toutes ces (mes) informations, servent à des entreprises à mieux me connaître, mieux connaître mes habitudes, mieux les anticiper et ce, pour une simple et bonne raison : me vendre plus de ses produits ou services, de manière plus ciblée. Ou encore, pour le cas où cette société ne me vend rien (et donc que je suis le produit), pour vendre de la pub à d’autres sociétés qui veulent me vendre des choses.
Toujours pareil, je ne dénonce aucun grand complot. Il n’y a aucun secret là-dedans, juste un état de fait que l’on a tendance à occulter, sans le vouloir, consciemment ou pas, parce que c’est plus confortable de ne pas y penser…? Je ne sais pas et pourtant, je suis la première concernée, encore une fois. Je fais partie du lot, comme toi.
Dans le monde de la vente de services ou de biens, la grande tendance du moment, c’est l’hyper-personnalisation, c’est-à-dire le marketing de plus en plus ciblé. Et en 2016, on compte bien sur la data et tout ce qu’elle peut donner comme information sur les consommateurs pour personnaliser encore et toujours plus le discours à leur intention.
En soi, c’est sympa. Les marketeurs veulent nous donner ce que l’on souhaite. Ils veulent juste savoir ce que l’on souhaite, avant qu’on le souhaite. C’est tout.
Je t’invite d’ailleurs à lire l’ouvrage Le Pouvoir de l’Habitude où l’auteur, Charles Duhigg, consacre un chapitre à l’étude des habitudes des consommateurs par les entreprises grâce à l’analyse prédictive de leurs données clients (algorithmes et machine learning mes amours). Il y raconte brillamment comment Target a réussi à analyser ses données clients avec une telle précision que l’entreprise parvenait à « prédire » les grossesses de ses clientes. C’est une histoire vraie. Elle est fabuleuse. Techniquement c’est une prouesse, éthiquement, il y a effectivement encore du boulot.
Dis-moi ce que tu aimes, je te vendrai ce dont tu n’as pas besoin
Dans le cadre de mon boulot, j’ai la chance de pouvoir assister à de nombreuses conférences sur les thèmes qui sont chers à mon entreprise, afin de mieux connaître notre environnement concurrentiel et technologique. Tu le fais peut-être toi aussi dans le cadre de ton boulot quand tu vas assister à un séminaire de comptables ou une rencontre de l’amicale des plombiers d’Ile-de-France. Même combat. On s’informe tous sur notre secteur un minimum.
Il y a quelques semaines, j’ai pu aller assister à un salon dédié au marketing, le Data Marketing Paris.
Le but de cet événement, « comprendre et décrypter les enjeux d’une filière marketing en pleine mutation, anticiper les révolutions digitales à venir auprès des acteurs les plus influents de la scène marketing et explorer les outils et solutions qui révolutionneront demain l’intelligence marketing ».
En gros, il s’agit de faire se rencontrer les informaticiens et les marketeux, deux métiers qui ont donc de plus en plus de raisons de se parler aujourd’hui. (cf ce que je raconte au-dessus).
Au programme ce jour-là : Smart Data, la data au service de l’hyper-personnalisation et analytics & marketing prédictif.
Transformation et révolution digitale
Premier intervenant, Havas Voyages et son cas très intéressant de transformation digitale. A l’origine, Havas Voyage c’est un peu l’agence de voyages à la papa, le petit bureau, le petit conseiller et ses petits séjours. Point. Mais nous sommes en 2016, et plutôt que de regarder passer le wagon de la digitalisation et s’en mordre les doigts, Havas Voyages a choisi de se transformer pour faire face à la concurrence (voyagistes en ligne, comparateurs, nouveaux modes de consommation de vacances type AirBnb…). Et quand je dis transformation, je pourrais dire révolution. Le design des agences est entièrement revu pour en faire de véritables agences connectées et surtout, surtout, Havas Voyages engage une grosse refonte de son suivi client.
Alors que le secteur du tourisme est très fort pour capter le client en amont de son séjour, ça coince rapidement sur le « pendant ». Havas Voyages a donc créé (et lancé officiellement début novembre) son outil « Travel Assistant » qui lui permettra d’améliorer l’expérience de ses clients pendant leurs séjours.
Prenez une technologie de recommandation basée sur un travel graphe, croisez la avec les données client d’Havas, des données web, saupoudrez d’un petit algorithme, mélangez tout ça et vous obtenez une appli qui, en plus de servir de portefeuille de réservation aux clients (contenant leur billets d’avion, leur réservation d’hôtel…), leur enverra des suggestions de loisirs (resto, sport, concerts, ciné), en fonction de lieu où ils se trouvent et de l’analyse du contenu de leur smartphone – c’est donc à ce genre de choses que servent les autorisations que l’on donne quand on installe une nouvelle appli…!
C’est Minority Report sauce marketing, à la fois beau et effrayant. Mais nous sommes en 2016, me direz-vous, c’est ça la nouvelle expérience client, l’hyper-personnalisation est reine !
Et ce n’est pas pour déplaire à nos amis publicitaires, incarnés ce même jour par Critéo, dont l’hyper-personnalisation est le fer de lance.
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Au début des internets, il y avait la bannière. Elle était belle, souvent fluorescente, souvent clignotante, parfois même agrémentée de paillettes et autres artefacts qui provoquaient au mieux, la gerbe et au pire, des crises d’épilepsie. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…
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Critéo, son job, c’est de faire oublier ce temps là aux internautes, tout en permettant aux annonceurs d’afficher leurs publicités un peu partout sur le web. Tâche difficile que de rendre la publicité non-intrusive mais pas impossible avec le retargeting publicitaire dynamique c’est-à-dire la diffusion de bannières personnalisées aussi bien sur ordinateur, mobile ou réseaux sociaux.
Tu te demandes pas, toi, comment des pubs pour la paire de pompe que tu viens d’acheter sur Amazon s’affichent dans ton navigateur quand tu visites le site de MinuteBuzz ? Et bien c’est grâce à des entreprises comme Critéo, qui utilisent à bon escient des algos pour te proposer de la pub ciblée, personnalisée et non-intrusive. En soi, ce n’est pas le mal absolu, puisque contrairement à l’époque des pop-up et autres bannières de l’enfer, maintenant, si tu n’utilises pas AdBlock (qui lui même commence à s’ouvrir à la publicité en proposant de distribuer des pubs « respectueuses » des internautes), tu ne vois (presque) que des publicités qui te concernent toi.
What a time to be alive !
Je ne chie pas sur ce que font ces deux entreprises et toutes les autres. Ce sont des entreprises comme celles-ci qui donnent du travail aux entreprises comme la mienne et à mes collègues de boulot. Je ne vais pas mordre la main qui me nourrit, d’autant plus que je la trouve fascinante.
Je ne souhaite pas non plus entrer dans un discours de vieille conne « c’était-mieux-avant-iste » ou de paranoïaque invitant tout le monde à disparaître sur le dark net.
Je souhaite trouver un juste milieu.
J’aimerais que mon (très long) texte permette une prise de conscience, même toute petite.
Que tu te dises, la prochaine fois que tu donnes accès à une appli à tes données mobiles, qu’il y a une vraie raison derrière et que peut-être que cette raison te dérange, alors tu réfléchiras un peu plus avant de cliquer sur « Accepter ».
Ou que tu te dises, tiens, mais ça a l’air drôlement intéressant comme sujet tout ça, l’informatique, les datas, ce qu’on en fait, je me renseignerais bien dessus pour me faire ma propre idée ! Je ne pourrais que t’y encourager. J’y passe mes journées ! C’est un domaine plein de surprises, d’innovations, de révolutions.
J’aimerais aussi souligner que ce dont je parle, le marketing de « requinosaures », n’est pas la seule et unique application faite avec le big data, la business intelligence, les algorithmes etc.
Au milieu de tout ça, il y a des gens qui essayent de faire le bien avec la technologie, comme l’Open Knowledge Foundation, comme Bayes Impact et son Bob Emploi, comme toutes les initiatives autour de la blockchain, ou encore, comme le travail de l’International Consortium of Investigative Journalism pour les Panama Papers.
A nous, internautes-citoyens-consommateurs, de prendre le temps de faire le tri et de ne pas accepter, yeux fermés, gueules ouvertes, tout ce qu’on nous donne et ce qu’on nous prend en échange.
A reblogué ceci sur Hannibule.
A reblogué ceci sur Paradoxalité vitaleet a ajouté:
Un article intéressant d’une geeky mother (j’adore lol) sur l’utilisation de vos données récoltées, par nos chers marketeurs adorés… Si vous êtes parano, sortez plutôt vos porte-monnaie 😂😂😂😂😂