Ça fait littéralement des mois que je ne t’ai pas parlé des albums qui ont bercé mon adolescence. Ça aurait pu continuer comme ça pendant encore longtemps mais un événement, ou plutôt un road trip avec un ami, est venu bousculer ce calme plat pour me donner envie de te parler de l’incroyable premier album de Muse, Showbiz.
Le Musée de Muse
Imagine. On est en 1998-99, j’ai 14-15 ans et je sens grandir mon amour du rock, explorant toutes ses facettes les plus rudes avec le métal et le black métal mais allant aussi me frotter à des sonorités plus douces mais tout aussi puissantes en écoutant des groupes plus pop, punk ou ska. J’écoute, entre deux albums de Marilyn Manson, Korn et de Cradle of Filth, la douce voix de Dolly, les classiques du punk français (Les Shériff, Les Wampas et consorts…), la Mano Negra (dont je t’ai déjà parlé ici), Silmarils ou encore Placebo… et je trouve ma dose de nouveautés sur feu Le Mouv, quand il s’agissait encore d’une radio rock du sud de la France que l’on captait en orientant l’antenne de nos postes dans une certaine direction.
Et c’est justement sur cette antenne, alors que je suis en train de faire mes devoirs, si mes souvenirs sont bons, que j’entends cette mythique ligne de basse pour la première fois, suivie de son non moins mythique riff de guitare.
Dans ma tête, ça explose tout de suite. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Qu’est-ce que c’est que ce riff ? Cette voix suraiguë qui monte dans des octaves jamais entendus en association avec des guitares électriques ? Qui sont ces gens qui mélangent douceur et âpreté comme ça, sans prévenir et en font de la musique sublime ?
Ces gens, ce sont les trois anglais (aujourd’hui, j’ajouterai « évidemment ») de Muse : Mathew Bellamy au chant et à la guitare, Chritopher Wolstenholme à la basse et Dominic Howard à la batterie.
J’ai l’impression que j’ai entendu le morceau une fois sur le Mouv, puis qu’il a disparu de ma vie pendant de longs mois avant que je sache qui en était l’interprète et surtout, que je mette la main sur l’album. Je crois même qu’on peut parler d’années, puisqu’il me semble que c’est ma voisine du 5è étage, fan de Muse et de Placebo, qui me permit enfin d’écouter l’album en entier et de me le graver lorsque nous passions des soirées ensemble quand j’étais en première ou en terminale.
Mais une fois que Showbiz a enfin pénétré ma discographie, c’en était fini de mon cœur, je basculait dans un amour de Muse qui se concentrera surtout sur les deux premiers albums (celui-ci et Origin of Symmetry) et quelques morceaux ponctuels sur les suivants. Ces deux albums font partie de ceux qui peuvent me briser le coeur en trois notes, me faire frissonner en deux riffs et me donnent des larmes aux yeux encore aujourd’hui parce qu’ils touchent des parties précisément sensibles de mon cœur et de mes souvenirs. C’est inconscient, c’est viscéral, mais c’est Muse.
Avant le basculement dans le (vrai) showbiz
Rock, pop-rock, post-rock, garage (Wikipedia parle même de space rock), je ne saurai pas vraiment comment catégoriser Muse à l’époque de Showbiz. C’était des ovnis, dans mes oreilles en tout cas. À eux trois, ils étaient parvenus à marier la sécheresse des guitares électriques au lyrisme du piano, le tout en faisant virevolter la voix exceptionnelle de Matthew Bellamy au dessus de tout ça et en ponctuant leurs morceaux de coups de poings dans le cœur matérialisés par une batterie, elle aussi brute et sans artifice.
Showbiz, c’est de la poésie musicale, de l’audace, de la beauté brute, sans fioritures. Pas d’électronique (encore), pas besoin, les bonhommes faisaient le taf tous seuls. Et c’était là toute la prouesse de ce groupe : être les fils spirituels de Pulp et d’Oasis et tout foutre en l’air dans nos oreilles et dans nos habitudes musicales.
On est à la veille de l’an 2000 et voilà que trois gamins de je ne sais quel « shire » d’Angleterre révolutionnent le rock anglais en un album.
Je suis sur le cul. Tout le monde est sur le cul.
Qu’on aime les titres rocks, comme Muscle Museum ou Filip, les balades qui font chialer (même 20 ans après) comme Unintended ou les explorations rythmiques et sonores comme dans Showbiz, Uno ou Spiral Static, ce premier album nous donnait tout ce qu’on attendait et surtout, ce qu’on n’attendait pas !
Mais ça, c’était avant le drame, bien entendu.
En même temps, c’était prévisible et ce n’est que justice rendue à leur talent. Muse a explosé au début des années 2000 avec la sortie du second album, Origin of Symmetry, qui les a propulsé en hauts des charts, comme on dit et ce, dans le monde entier.
A partir de là, ils ont commencé à perdre de leur intérêt musical à mes yeux. L’ajout de beaucoup d’électronique m’a aussi pas mal déplu, moi qui adorait les sonorités un peu garage crado qu’avaient certains de leurs morceaux sur les deux premiers albums.
Malgré un sursaut en 2002 avec le single Shrinking Universe que j’ai poncé comme il se doit sur le CD sampler de Rocksound n°200 et des brouettes, j’ai fini par arrêter de suivre Muse dans ses pérégrinations musicales où le synthétique a fini par l’emporter sur le brut. La suite, tu la connais, Absolution sur toutes les radios, Black Holes and Revelations encore plus, HAARP au Stade Wembley puis, à partir de 2009, The Resistance qui termine d’enlever toute touche de dureté à Muse pour en faire des explorateurs discos mous peu convaincants à mes yeux, à part quelques morceaux qui me font un peu délirer mais pas bien longtemps.
Aujourd’hui, le Muse de Showbiz n’est plus qu’un lointain souvenir de mon adolescence qui continue de faire battre mon cœur.
Coup de soleil intemporel
L’avantage et la grande qualité de cet album, c’est qu’il traverse les années sans prendre une ride, sans perdre de sa superbe, comme si un autre Muse existait en parallèle de celui qui continue de sortir des albums.
J’ai des souvenirs sur cet album à tous les âges de ma vie, je pense. Évidemment quand j’étais ado, mais aussi, à l’époque de la fac, quand j’ai eu la vingtaine, puis la trentaine et, je sais que bientôt, la quarantaine approchant, j’aurai encore de nouveaux moments doux sur lesquels accrocher ces morceaux.
Comme ce road trip, il y a quelques semaines, où nous nous sommes égosillés en chantant cet album. On avait beau avoir chacun nos souvenirs avec Showbiz, on a été capable d’en greffer de nouveaux, de se créer un souvenir commun où les guitares et la voix de Matthew Bellamy nous ont servi de bande originale et ont ainsi décoré l’asphalte sur laquelle la voiture glissait cette nuit-là.
Et elle est définitivement là, la grandeur de cet album et il est là, le talent du Muse de 1999 : c’est d’être encore aussi puissant en 2020.
J’espère que je pourrai ajouter à tout cela le souvenir d’assister à un de leur concert. Croisons les doigts, un jour, on (re) connaîtra ça.