Ce n’est pas la première fois que des producteurs ont eu l’idée machiavélique de faire partager la scène à deux artistes qui, si ielles ne s’apprécient pas, vont alors tout faire pour se tirer la bourre pendant tout le morceau. « Lady Marmalade » version 2001, avec Pink et Christina Aguilera en face à face vocal est un de ces fameux morceaux cultes de mon adolescence mais ce n’est pas de celui-ci dont je veux vous parler aujourd’hui. Moi, je veux vous parler de l’affrontement entre deux DIVAS américaines, dans un morceau mielleux à souhait, tiré de bande-originale du film d’animation de Dreamworks, Le Prince d’Egypte et de l’impact qu’il a eu sur mon réveillon de Noël 1998. Le titre, c’est When you believe. Mais d’abord, on écoute !
Tout est parfaitement réglé dans ce morceau, rien n’est laissé au hasard. Sous l’égide du producteur mythique Babyface, deux des plus grandes voix des années 90 se répondent et rivalisent de talent dans leur interprétation de ce titre, qui a remporté l’Oscar de la meilleure chanson originale en 1999 (même si ce n’est pas exactement la même version du morceau qui remporte le prix prestigieux). Musicalement et humainement, tous les ingrédients sont réunis pour que la sauce prenne.
Mariah Carey est au top de sa carrière, qui prend un virage plus R ‘n B, à l’époque – elle vient de sortir un single avec Jermaine Dupri Sweetheart, et s’apprête à sortir son premier best of qui sera supporté par le single I still believe, puis son septième album solo Rainbow, qui nous donnera le mythique Heartbreaker avec Jay-Z (et ne parlons pas de ce petit haut rose en crochet qui en aura ému plus d’un·e ainsi que ce catfight contre son sosie dans les toilettes du ciné où se déroule l’action du clip…! Quelle époque on vivait !). Bref, Mariah est incontournable, indestructible et est en passe de devenir la diva que nous connaissons.
Whitney Houston, quant à elle, est en train d’opérer une manœuvre de retour sur le devant de la scène. La chanteuse iconique des années 80-90 n’a pas fait grand chose de notable depuis la B.O. de Bodyguard qui l’avait hissée au sommet (quelques musiques de films peu remarquées) et revient en grandes pompes en cette année 1998 avec un nouvel album My Love is Your Love (des tubes en veux-tu en voilà), sur lequel figurera le single When you believe. C’est un peu la daronne du duo, même si elle n’a que six ans de plus que Mariah Carey et une avance d’à peine cinq ans dans sa carrière musicale.
Réunir ces deux femmes sur un même morceau est une prouesse que l’on doit à la fois aux Studios Dreamworks, avec qui Mariah travaillait son « film », Glitter (je mets le mot film est entre guillemets parce que v’là le nanar), et au producteur Jeffrey Katzenberg qui a proposé à la chanteuse d’interpréter un des morceaux du film, ainsi qu’à Babyface qui, de son côté avait travaillé sur la chanson dans sa version « single », et qui en a parlé à Whitney Houston. Après avoir vu le film, elles ont toutes les deux accepté d’interpréter le titre qui deviendra la B.O. (secrète) de mon réveillon de Noël 1998.
I keep you my dirty little secret
Je ne me souviens plus trop pourquoi ni comment je me suis retrouvée en possession du CD 2 titres de ce morceau. J’essaie de me creuser la mémoire, mais la seule chose qui me revient, c’est moi devant un PC qu’une copine ou quelqu’un d’autre, je ne sais plus vraiment, m’a prêté – ouais ça se faisait à l’époque – en train d’écouter ce CD en boucle pendant ma soirée du réveillon de Noël, dans le noir, seulement éclairée par la lumière bleue de l’écran se réfléchissant sur moi, pendant que ma mère dans le salon somnole sur le canapé devant Arthur.
Je me souviens aussi que je n’assumais pas vraiment d’aimer ce morceau parce que j’essayais d’être cool et que c’était pas un morceau hyper cool dans mon groupe de copines – on était plus Nirvana que les Spice Girls, même si je les aimais autant l’un et l’autre. Le cool était quand même relatif et laissait de la place à de la diversité. On n’était pas encore des snobs de la musique, à juger les unes et les autres en fonction de la pureté de leurs goûts musicaux et de l’étendue de leurs connaissances en tel ou tel style pour justifier l’appellation de « fan de ». Ça, c’est venu au lycée – avec la communauté des « trve metol » déjà à fond dans la bienveillance – et c’était bien chiant ! Je suis bien contente de n’en avoir plus rien à foutre aujourd’hui et d’écouter sereinement des tas de styles différents, sans me préoccuper de savoir si ça fait de moi quelqu’un de bien aux yeux des autres. Mais je digresse, revenons à nos divas et à mon réveillon.
Enfin, il n’y a pas grand chose d’autre à raconter, finalement. Ce 24 décembre 1998, ça a été petit repas de Noël traditionnel avec ma mère et mon frère (foie gras, saumon, toast, un truc bon qu’on aime bien, genre volaille à la crème et aux champignons, avec du gratin de patates un peu classe et mini-bûche) puis enfermement dans ma chambre devant ce fameux ordinateur Windows 95 pur jus avec lecteur CD intégré pour écouter ce morceau en boucle sur le Windows Media Player avec l’impression d’être dans la matrice et de découvrir les secrets de l’univers de l’informatique. Je me rappelle, on avait même un de ces super bureaux spécial ordinateur, avec juste la place pour un énorme écran posé sur l’unité centrale et une tablette sur roulements pour poser le clavier et la souris et les dissimuler habilement lorsque l’ordinateur n’était pas utilisé.
Je n’ai pas d’autres souvenirs importants de cette soirée hormis moi devant cet ordinateur et cette chanson. C’est vraiment très étrange que mon cerveau soit resté bloqué là-dessus alors que c’est passablement insignifiant, et qu’il ne s’est rien passé de plus important ce soir-là.
Diva showdown
Pourtant, c’est le seul truc qui m’est resté et à chaque fois que je pense à cette chanson ou que je l’écoute, je revois invariablement cette image. Ça pourrait faire un excellent début de polar psychologique, où l’héroïne découvre en réécoutant une vieille chanson que le souvenir auquel elle est rattaché est en fait un moyen que son cerveau avait trouvé de la protéger des horreurs qu’elle avait véritablement vécu ce réveillon-là, un truc avec un serial killer ou des parents sauvagement assassinés. Mais, je te rassure, je n’ai rien vécu de tel. Juste une soirée un peu chiante.
Heureusement aujourd’hui, quand je réécoute le morceau, ce qui m’amuse le plus, c’est d’imaginer deux chanteuses se tirer la bourre à coup de vibes et de prouesses vocales tout en faisant semblant de s’adorer pour le clip. Rappelons que lors d’une interview au moment où Mariah sortait son premier album Whitney Houston avait déclaré au journaliste qui lui demandait son avis sur Carey : « Ce que j’en pense d’elle ? Mais je ne pense pas à elle !‘ » C’est pourquoi, quand When You Believe est sorti, les rumeurs d’enregistrement de l’enfer battaient leur plein. Pourtant, les deux divas n’ont cessé de clamer leur amitié et leur appréciation commune et, maintenant que je connais un peu mieux les ressorts de la presse à scandale, et leur propension à instrumentaliser les femmes pour en faire d’invariables rivales, j’ai envie de les croire. Je veux bien croire qu’elles aient été en compétition à un moment donné mais je pense qu’elles ont fini par se respecter mutuellement et se trouver plus de points communs que de différences au point de devenir « amies ». Je crois beaucoup plus en leur amitié qu’au fait que Delon et Poelvoorde aient tourné leurs scènes dans la même pièce pour le film « Asterix aux Jeux Olympiques » , par exemple.
Parenthèse critique ciné au rabais
[J’ai une théorie sur ce film : je suis persuadée que Poelvoorde et Delon n’ont jamais joué ensemble – ils partagent de nombreuses scènes de dialogues par exemple – mais séparément parce que toutes leurs scènes, ou presque, sont montées en champs-contre-champs. Je suis donc certaine que le réalisateur a filmé les répliques de Poelvoorde d’un côté, celles de Delon de l’autre et les a ensuite monté comme ça pour donner l’impression que les deux hommes sont dans la même pièce alors que pas du tout ! Je n’ai aucune preuve de ce que j’avance hormis le film, qui me fout une angoisse pas possible d’ailleurs, mais je ne vois pas d’autre explications à leurs si mauvaises prestations à tous.]
Fin de la parenthèse.
J’ai envie de garder cette image-là de la chanson. Une image d’amitié, de sororité, de respect car ça colle bien mieux à mon souvenir de Noël ! Même si c’était une soirée chiante, j’ai au moins eu cette chanson pour m’émouvoir et insuffler un peu d’esprit de Noël dans mon petit cœur d’ado qui s’emmerdait. Merci Mariah, merci Whitney !