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Joyeux anniversaire

Pas de Scriptonautes pour moi les deux premières semaines de mai, en revanche, j’ai vu que je n’avais pas partagé avec toi le résultat de la session sur la Folie ! En ce qui me concerne, c’est de la Folie Douce dont j’ai eu envie de parler dans un récit d’auto-fiction.

J’ai toujours eu une vie des plus banales.

Je me lève le matin, tous les jours ou presque, à 6h50. Je vais prendre ma douche en commençant toujours par me brosser les dents, ce qui constitue une hérésie pour beaucoup de monde mais j’ai pris cette habitude et je ne peux plus m’en défaire. Je m’habille ensuite puis descends prendre mon petit déjeuner au rez-de-chaussée de la maison que j’occupe avec mon époux, mon fils, mes deux chats et mon chien. Là, je prépare mon petit-déjeuner. Je fais chauffer de l’eau pour mon thé dans la bouilloire que j’ai depuis dix ans, je sors ma tasse du placard de la cuisine, dépose mon sachet en prenant bien soin d’entourer la cordelette autour de la hanse du mug et pendant que l’eau finit de bouillir, je me prépare un smoothie. Je prends une banane, du lait d’amande, y ajoute du sirop d’agave, de la poudre protéinée à la vanille, un peu de café instantané pour le goût et parfois de la spiruline et je passe tout au mixeur pendant une quinzaine de secondes.

A ce moment-là, la bouilloire a terminé de chauffer mon eau. Je remplis ma tasse de thé, la pose sur la table derrière moi. Je vide ensuite le contenu de mon mixeur dans un grand verre en prenant bien soin de racler le fond avec une spatule en silicone pour ne pas en perdre une goutte. Je m’installe à table et déguste mon petit déjeuner en lisant les informations sur mon smartphone jusqu’à 7h30, heure à laquelle je vais réveiller mon fils pour le préparer. Une fois habillé et son petit-déjeuner pris, je le dépose à l’arrêt du ramassage scolaire à quelques centaines de mètres de la maison puis retourne dans la cuisine pour préparer ma gamelle, l’empaqueter dans mon petit sac isotherme et je monte dans la salle-de-bain pour appliquer mon habituelle pointe de mascara et m’hydrater le visage. Ceci fait, il est généralement 8h15, je prends mes affaires et pars pour le travail.

Mon trajet est toujours des plus classiques, malgré les surprises que peut me jouer la RATP. Mon itinéraire, lui, est en tout cas tous les jours le même, sauf cas très exceptionnels : RER B jusqu’à Chatelet, puis RER A jusqu’à Vincennes. Une fois arrivée à Vincennes, je n’ai plus qu’à marcher quelques minutes pour arriver à mon bureau et commencer la journée.

Vraiment, je vous le dis, j’ai une vie des plus banales. Je n’occupe pas un emploi à risque, je suis juriste dans une société qui édite une solution de paiement omnicanal pour les commerçants. Je vis dans une banlieue paisible. Je suis avec le même homme depuis dix ans. Nous avons un enfant espiègle et calme qui s’en sort bien à l’école. Notre maison est un petit pavillon avec un bout de jardin. Non, franchement, je suis l’archétype de la mère de famille active âgée de trente à quarante ans. Je suis la représentante de ma catégorie socio-professionnelle, un cliché statistique, en toute connaissance de cause et en toute bonne foi.

Il ne m’arrive jamais rien d’extraordinaire et j’en suis satisfaite. Enfin, ça, c’était jusqu’à la semaine dernière.

Il ne s’était rien passé de particulier, enfin, si, c’était le jour de mon anniversaire. Je fêtais ce jour-là mes 34 ans. Comme d’habitude je m’étais levée, préparée, nourrie, maquillée, hydratée et j’avais pris mes petites affaires pour me rendre à mon travail. Pas de grève dans les transports en commun, pas de ralentissement particulier sur la ligne, rien qui ne laisse présager un élan ou un ras-le-bol quelconque en moi.

Mais en arrivant à Châtelet, j’ai commencé à sentir une démangeaison dans la poitrine. Comme des petits papillons qui battaient des ailes entre mes deux seins. Une envie subite, un besoin soudain. Je suis arrivée sur le quai de mon RER, où je suis allée attendre à mon poteau habituel, celui qui me permet d’être juste devant l’escalator quand le train s’arrête en gare de Vincennes. J’ai regardé sur les panneaux lumineux quand arrivait le prochain train et dans quelles gares il s’arrêtait pour être sûre de ne pas me tromper. C’était le train QIWI qui avait pour terminus Marne-la-Vallée-Chessy. Les papillons se sont enore plus agités. J’entends encore la voix de la dame du train, cette voix enregistrée qui n’existe pas mais que tout le monde connait et qui répète inlassablement les mêmes informations.

This train terminates at Marne-la-Vallée-Chessy, Park Disneyland

J’ai attendu que les portes s’ouvrent, je suis allée m’asseoir dans le sens de la marche, côté fenêtre comme d’habitude et j’ai laissé se succéder les arrêts. Ma respiration s’est accélérée au rythme de mon train, les papillons ont explosé ma cage thoracique. D’habitude, je me lève en chemin vers le troisième arrêt, alors que l’on n’est pas tout à fait arrivés mais que l’on entre en gare, mais pas ce jour-là. Non. Ce jour-là je suis allée jusqu’au bout de la ligne, jusqu’au terminus.

Jusqu’à Disneyland.

J’ai suivi les touristes avec leurs casquettes à grandes oreilles, j’ai suivi les parents qui faisaient exceptionnellement sécher l’école à leurs enfants, j’ai suivi la masse d’étoiles dans les yeux et je suis allée jusqu’à l’entrée du parc. Sans réfléchir, j’ai fait la queue, j’ai attendu, tenant fermement mon sac isotherme dans ma main gauche, sentant ma paume devenir moite autour de la corde en nylon. J’ai sorti mon portefeuille, j’ai sorti ma carte bancaire et j’ai payé les 73€ pour accéder aux deux parcs et j’ai passé le portique.

Je suis entrée dans le parc et j’ai passé la journée de mes 34 ans à Disneyland.

J’ai fait les manèges de Space Mountain, et la Tour de la Terreur et It’s a Small World et Le Monde de Némo  et Indiana Jones et Star Wars... J’ai bu un café géant qui m’a coûté les yeux de la tête au Café des Cascadeurs et j’ai fait un seflie avec Blanche-Neige et Elsa. J’ai regardé la parade défiler en mangeant ma gamelle. J’ai fait coucou à des gens déguisés en personnages de dessins animés tout en sachant que c’était des intermittents du spectacle mal payés à l’intérieur des costumes mais avec la détermination et la candeur d’une gamine de 6 ans.

Je suis restée dans le Parc toute la journée, profitant d’y être en pleine semaine et hors vacances scolaires pour faire toutes les attractions que j’avais toujours eu envie de faire, pour rire à gorge déployée, pour pleurer de joie, pour être émerveillée sans trop de monde pour gâcher mon plaisir, sans responsabilité sinon la mienne, sans personne à surveiller si ce n’est moi. J’ai quitté le parc à 18h, heure à laquelle je sors du travail d’habitude. J’ai pris le RER et je suis rentrée à la maison. Je suis arrivée un peu plus tard que d’habitude mais j’ai prétexté un problème dans les transports. Je n’ai rien dit à mon mari. Rien à dit à mon fils. Rien dit à mon patron.

Cette journée restera mon cadeau d’anniversaire secret, mon petit coup de folie.

 

 

Photo : Disneyland Paris

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